Joël Champetier, dans son éditorial, soulignait l'aspect particulièrement international de cette livraison de la revue. C'est indéniable ! L'adjectif "éclectique" vient également à l'esprit, et le résultat est ma foi bien plaisant.
Le volet "Fictions" comprend les textes suivants :
Le tricheur, d'Orson Scott Card : le père de Han Tzu est ambitieux pour son fils, mais celui-ci préfèrerait davantage de vraie confiance. On retrouve dans cette jolie nouvelle, située dans l'univers d'Ender, des thèmes familiers aux lecteurs de l'auteur américain.
Le bandeau vert de M. Hayashi, de Yann Quero : au Japon, les grévistes travaillent, mais avec un bandeau blanc sur leur front. Sauf M. Hayashi. Savoir pourquoi un auteur français a choisi de situer l'action de cette nouvelle originale au Japon restera un mystère, mais ce serait une bien mauvaise raison de bouder notre plaisir à la lecture de ce texte intéressant et bien écrit, l'un de ceux que j'ai préférés.
Utuk, d'Alain Ducharme : dans cette ville aux confins de l'inachèvement du monde, les voix des morts empêchent les vivants de dormir. Aussi la vicaire a-t-elle l'idée d'utiliser les talents de chamane de la jeune Aru. Ce texte de fantasy très original par son thème et la mythologie qui le sous-tend est vraiment celui que j'ai le plus aimé, je l'ai trouvé tout à fait excellent, et je serai ravie de lire d'autres textes de son auteur.
Reconstitution, de Pierre Gévart décrit la relation entre un nonagénaire et sa thérapeute en reconstruction synaptique. Touchant et grave, sans négliger l'humour pour autant, ce texte aborde tout en délicatesse un sujet difficile et terriblement d'actualité.
Hoveur drave, d'Olivier Ménard : hors de question de laisser les maudits Anglaus mettre la main sur les pitounes, et encore moins sur la charrue des neiges. Sus à eux ! Ce texte steampunk, sympathique et bien rythmé, m'a bien plu aussi, malgré quelques difficultés de compréhension inévitables mais somme toute peu dérangeantes. Et en plus il est plein d'humour, ce qui ne gâte rien.
La Science-Fiction et l'Anthropologie : des récits entrecroisés, deuxième partie : du postcolonial au post-humain, de Martin Hébert est aussi passionnant que la première partie. En effet, l'auteur y montre comment, à la même époque où le poids politique, économique et militaire des pays occidentaux devenait moins écrasant dans les pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine, et où l'anthropologie prônait un relativisme culturel, la SF se développait précisément dans ces pays. Il donne aussi la parole à Valerio Evangelisti quand il soutient que la SF est la seule véritable littérature réaliste, de nos jours. Martin Hébert s'emploie à montrer, dans le contexte actuel d'universalisation, le point commun majeur de la SF et de l'anthropologie : l'interrogation sur la société et sur ce qui constitue l'humanité. Qu'on soit d'accord ou pas, la lecture de cet article vivant et documenté est un vrai plaisir, et invite à de multiples re-lectures... et discussion avec des amis lecteurs "d'autres obédiences".
Dans ses Carnets du Futurible, joliment intitulés La fin du monde est arrivée... encore une fois !, Mario Tessier rappelle les multiples occurrences du thème, et montre aussi les conséquences, des plus dramatiques (suicide d'adolescents effrayés par la "prédiction maya") aux plus absurdes (plein d'abris atomiques doivent être en solde, en ce moment !) de la récente peur de la fin du monde.
J'ai retrouvé avec le plus grand plaisir Les Littéranautes et la rubrique Lectures sous leur forme papier. Mais j'avoue avoir "sauté" la rubrique Sci-néma, comme d'ailleurs j'avais l'habitude de le faire sur écran. Que son auteur, Christian Sauvé, me pardonne : son travail n'est pas en cause, mais je ne suis en rien cinéphile ! Nul doute que tous ceux qui le sont y trouveront leur bonheur, et prendront l'habitude de la lire, sous une forme ou une autre.