Alberto Aragon a fui son pays. Alors qu'il était ambassadeur du Salvador au Nicaragua, les ennuis ont pointé leur nez, et le voilà arrivé à Mexico après des heures éreintantes de route pour rejoindre sa petite amie de quarante ans sa cadette. Épuisé par le voyage, il se laisse aller sur le lit de fortune que lui a préparé son ancienne servante. Et c'est en grande partie dans cette chambre que nous apprenons sa vie. Pas de façon chronologique et organisée, au contraire. Alcoolique, il divague complètement. Ses pensées se suivent de façon totalement anarchiques, sans qu'il ne reprenne son souffle, ni le lecteur du fait. Nous suivons l'histoire le souffle haletant tant les phrases sont longues et hachées, vivantes et incisives.
Puis vient une seconde partie dans laquelle Pepe Pindonga, un détective privé à la dérive, est chargé d'enquêter sur ce qui est arrivé à Alberto à Mexico. Ce personnage est différent d'Alberto mais présente tout de même de criantes similitudes : la déchéance, l'inquiétude quant à l'avenir, et l'addiction à l'alcool. Et il est complètement obsédé par le sexe.
Même si on ne voit pas toujours où l'auteur veut en venir, l'écriture est addictive. Le destin d'Alberto est intéressant par ce qu'il révèle de la vie au Salvador, et en Amérique centrale en général. Et c'est aussi un personnage haut en couleur, qui nous agace et nous apitoie en même temps avec tous les malheurs qui lui arrivent. Il en est de même pour Pepe, ce coureur de jupons qui a le coeur accroché à une jeune fille partie étudier en Espagne. Le fil conducteur de l'enquête, qui trouve pourtant bien sa résolution en fin d'ouvrage, constitue plus un prétexte pour décrire les deux destins de ces personnages que le réel propos du roman. Mais c'est tellement bien fait qu'on arrive au terme de l'histoire sans avoir vu le temps passer.
A lire pour le style brut de Horacio Castellanos Moya, ses personnages pittoresques, et aussi pour aborder la littérature salvadorienne qui nous reste encore méconnue.