Le commissaire de police berlinois, Gereon Rath, se trouve face à une situation inédite. Il a été appelé dans un studio de tournage et, devant lui, gît le corps d'une actrice à succès, Betty Winter. Un lourd projecteur lui est tombé dessus. Le producteur crie au sabotage, d'autant que l'un des techniciens éclairagistes a disparu. Il ne tarde pas, d'ailleurs, à accuser un concurrent qui travaille à la réalisation d'un autre film bâti autour du même scénario, une romance entre un dieu du tonnerre et une mortelle.
Ce second producteur est une connaissance de Rath, qui bénéficie de certains menus services. Il a demandé au policier de retrouver la trace de son actrice principale et maîtresse, Vivian Franck.
Kutscher nous plonge avec ce roman dans un univers plutôt original, le monde du cinéma allemand du début des années trente et sa transition entre le muet et le parlé sur fond de tensions politiques entre nazis et communistes. Cet environnement sert de décor à l'auteur, très intéressant mais il donne l'impression de n'être qu'une façade, volontairement amincie par l'écrivain pour ne pas alourdir une enquête déjà bien complexe. L'univers ne tient pas un rôle d'importance dans le récit qui pourrait tout aussi bien se passer à Paris ou à Hollywood. Peut-être que lors de la prochaine enquête berlinoise, Rath se verra-t-il forcé de s'impliquer plus personnellement dans la tourmente politique ?
Car, à côté de l'enquête bien construite, l'enquêteur est l'autre atout de ce livre. Sa position dans l'ordre et la machine d'Etat prussienne est pour le moins moderne : il est individualiste, arrogant, jaloux, colérique et insoumis mais doté d'un talent d'investigation pointu. Rath possède un caractère bien trempé qui l'amène souvent à se retrouver dans des situations précaires face à sa hiérarchie, à sa famille et à ses amis, qui l'oblige à prendre des coups ou à creuser son génie pour trouver une autre voie. Ainsi, le lecteur risque vite d'avoir un avis tranché sur ce Rath et si celui-ci est négatif, le plaisir de lire ce bouquin diminuera fortement.
La mort muette est un polar aussi compliqué dans son développement que la vie de son acteur principal. Le rythme est lent mais le ton est éclairé et lorsque Kutscher se perd en longueur, le lecteur s'égare avec Rath et ses travers.
En conclusion, un roman intéressant mais qui demande un travail certain de la part du lecteur.