Nous sommes dans la campagne de Liège, en 1947. La guerre est heureusement terminée, mais il n'empêche que des traces pour le moins indélébiles subsistent. Thomas a ainsi perdu son frère, et il vit maintenant toujours à proximité de l'hôtel des Roches, où il fait office du compagnon de Marie-Louise, une jeunette de vingt ans. Bien évidemment, Joseph, le curé du village et accessoirement son meilleur ami, le sermonne de temps en temps, d'autant que sa fille africaine est maintenant également là.
Thomas n'est pas vraiment un bon compagnon, ni un père modèle... En fait, ce sont de petites affaires qui le préoccupent. Un business qui l'attire à Liège de temps en temps, en compagnie de Firmin, l'homme à tout faire de l'hôtel, depuis toujours. Ce dernier en profite d'ailleurs pour fauter régulièrement, au grand désespoir de Bernadette, son épouse qui se doute de tout.
Si Thomas fait cela, c'est parce qu'il sait que Assunta, la républicaine espagnole dont il a toujours été amoureux, est vivante. Mais elle est retenue au fin fond de l'Union Soviétique, dans la République du Kazakhstan. Politiquement, il est impensable que Staline lâche ces prisonniers de guerre. Seul l'argent pourra aider à ce que Assunta sorte d'un camp où elle est immensément affaiblie, à force de travaux forcés, de malnutrition et de mauvais traitements.
Alors, Thomas est aidé par Lucie, la soeur de Joseph, qui vit à Berlin, et qui a pu s'y faire un nom, et des relations. Elle s'y réfugie depuis la mort tragique de son soldat américain, pendant que Thomas fait tout pour ramener Assunta, en pensant lui aussi à son frère, mort à la fin de la guerre, en étant secrètement un résistant.
Des démons de la Seconde Guerre Mondiale que nous font ressortir Warnauts et Raives, en entamant ce nouveau diptyque dans la collection Signé chez Le Lombard. L'histoire se situe quelques mois après la fin de ce qu'on a pu découvrir dans Les temps nouveaux, des mêmes auteurs, dans la même collection.
Et comme pour ce premier diptyque qui nous plongeait au coeur de la guerre, le travail de recherche est encore une fois très important. Les auteurs, qui travaillent depuis longtemps à quatre mains, se font plaisir à raconter de petites histoires au sein de la grande Histoire. Les personnages déjà croisés dans le premier diptyque ont mûri. La guerre les a tous marqués, et cela se ressent dans la lecture.
Ceci amène le lecteur à apprécier encore une fois cette nouvelle série, en se positionnant dans un angle nouveau. Thomas n'est plus du tout cet être volage et insouciant qu'on croisait dans Les temps nouveaux : il s'est endurci, forcément, et est devenu un personnage parfois froid, souvent complexe. Il en va de même pour Lucie, qui est encore pleine de charmes, mais qui cache également une terrible méfiance dans ses relations.
En bref, un nouveau tome qui reste également un régal pour les yeux : les dessins sont toujours aussi beaux, mis en valeur par la très belle couleur directe. De quoi rivaliser avec Airborne 44 par exemple, ou de quoi faire penser au travail de Jean-Pierre Gibrat. Une série qu'il faut forcément suivre lorsqu'on aime l'Histoire et les belles planches !