Les Chroniques de l'Imaginaire

Haggarth (Haggarth) - De la Fuente, Victor

Haggarth est un guerrier tuna qui lutte pour sa race et sa patrie. Lors d'une bataille pour la quête de la couronne aux trois serpents, propriété des tunas, il est mortellement blessé par un des guerriers adverses. Avant que la mort vienne chercher Haggarth, il arrive à s'extirper du champ de guerre. C'est alors qu'à l'agonie, il est retrouvé par un étrange prêtre qui tente de le soigner du mieux possible et de le cacher des ennemis venus à sa recherche. En s'échappant, il rencontre un jeune bûcheron victime de la guerre, lui aussi rendu aveugle par les soldats ennemis. Les trois compères se dirigent vers une sorcière, seule capable de soigner leurs blessures. Le jeune bûcheron dont le seul désir est de retrouver la vue se voit offrir une nouvelle chance de la récupérer. Pour cela il va devoir porter le visage et avoir les souvenirs d'Haggarth, mort entre temps. Mais cette manipulation a pour effet de voir deux identités dans un même corps.

De là, Haggarth va alors tout faire pour récupérer la couronne aux trois serpents et ainsi rendre à son peuple son bien le plus sacré. Il s'embarque alors dans une aventure qui va l'emmener sur le territoire des amazones, dans un repaire de voleurs et à la cour d'un dictateur fou de pouvoir.

D'abord, je pense qu'il faut remercier Casterman pour le soin apporté à cet ouvrage. Le livre est beau, le papier est magnifique, un peu glacé, et facilite énormément la lecture. De plus, un appendice explique pourquoi Victor De la Fuente n'a pas pu finir cette œuvre majeure dans l'histoire de la Fantasy.

Ensuite, je dois avouer que je vais un peu manquer d'objectivité en ce qui concerne cette œuvre. J'ai une affection pour cette BD. C'est, en effet, les aventures d'Haggarth que je lisais au CDI du collège où j'ai passé mon enfance. C'est ce même Haggarth qui m'a fait découvrir une œuvre qui réunissait tous les codes de la Fantasy.

On y trouve tout ce qui fait le charme de la Fantasy moderne, les différentes races et leurs rôles dans la société, les complots politiques, les guerres de religions, les trahisons et les histoires mêlant bêtes d'un autre âge ( hommes de Neandertal, dinosaures) et bestiaires imaginaires.

Et je dois dire que ce que j'ai aimé enfant, j'ai adoré adulte. Il y a des messages politiques, notamment contre le franquisme et contre l'oppression politique en général, qui m'avaient échappé étant enfant. On y voit une orientation politique qui a probablement dû laisser des traces dans mon cerveau. Quoi qu'il en soit on se trouve ici en face d'un vrai chef-d'œuvre où tout est maîtrisé, tant au niveau du scénario qu'au niveau du dessin.

Le noir et blanc des dessins offre un vrai côté vintage et donne plus de profondeur à l’œuvre entière. La BD est faite de façon à laisser beaucoup de place à l'imagination. On y suit Haggarth dans les moments clefs de la narration. Les différentes ellipses ne nous laissent pas sur notre faim comme dans d'autres œuvres mais donnent ici une dimension supplémentaires à la BD. On peut y imaginer d'autres récits, d'autres histoires qu'on pourrait imbriquer dans ces laps de temps manquants.

Je ne peux que vous conseiller de vous laisser noyer dans cette histoire à la fois belle, forte, et passionnante.

Je ne peux m'empêcher de conclure cette chronique par ma citation préférée d'Haggarth :

« Il faut qu'ils comprennent que le pouvoir de ceux qui nous gouvernent dépend du pouvoir que nous leur accordons. Que leur grandeur n'est que le fruit de nos misères. Et qu'enfin, les Hommes qui vivent en se soumettant à leurs lois ne sont que des misérables parasites qui n'ont rien conquis par eux-mêmes ».