En ce mois de décembre 1637, les japonais chrétiens devaient se cacher pour ne pas être poursuivis et forcés d'apostasier. La persécution envers les chrétiens s'était renforcée depuis que le clan Tokugawa avait pris le pouvoir. Mais ce qui allait se passer dans le Kyushu dépassait de loin tout ce que les adorateurs de la foi étrangère avaient déjà subi.
Cela partit plus tôt que prévu de la ville d'Arima, sur la péninsule de Shimabara. La petit Okita avait été enlevée par les soldats. Son père, ainsi que beaucoup de villageois, étaient chrétiens. Ce qui les décida à enfin bouger étaient les plaintes continues de la petite dans le silence de la nuit. C'était insupportable. Mori Soiken, un de ces samouraïs chrétiens, prit part à l'expédition punitive qui mit le feu aux poudres.
Mais des choses avaient été décidées bien avant par un groupe de samouraïs, dont Mori Soiken faisait partie. Ils avaient décidé de se soulever contre le dictat qui leur imposait de ne plus croire en leur Dieu et en son fils, Yaso Kirishito (Jésus Christ). Et ils avaient choisi un jeune homme pour être celui qui symboliserait cette révolte. Masuda Shiro Tokisada serait celui annoncé par la prophétie du Hankan, cet envoyé de Dieu censé libérer les chrétiens japonais de leur condition.
Cinq samouraïs devenus ronins, un jeune homme charismatique, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui se levèrent derrière lui. Et un massacre comme le Japon n'en avait jamais connu.
Je lis des ouvrages de Roland Habersetzer depuis fort longtemps. Mais j'ai plutôt l'habitude de lire des livres techniques sur les arts martiaux, livres qui sont des références dans leur domaine. J'avoue, sur ce plan-là, je suis fan, m'étant même procuré une édition originale de 1968 de son tout premier ouvrage ! Mais je n'avais encore jamais lu de roman de lui. Amakusa Shiro, samouraï de Dieu retrace donc cette révolte qui se termina à Hara dans un massacre sans nom. Nous suivons quelques mois qui apportèrent de la joie, de l'espérance mais aussi beaucoup de souffrances à des gens qui ne demandaient que de vivre en paix avec leurs propres convictions.
L'écriture de Roland Habersetzer est précise et parfaite pour un roman historique. L'histoire est un peu son domaine puisqu'il l'enseigna durant les nombreuses années de sa carrière de professeur. On suit très bien les évènements qui amenèrent à ce massacre et on arrive parfaitement à se plonger au cur de cette histoire. Cependant, il n'a pas une écriture limpide. Les phrases sont souvent longues, complexes, ce qui alourdit la lecture. Elle demande un investissement certain. Une impression renforcée par quelque chose auquel l'auteur ne peut rien : les noms des personnages. Les patronymes japonais ont du mal à s'imprimer dans ma tête quand il y en a autant et cela ajoute une difficulté d'intégration dans l'histoire. Mais la volonté de justesse était obligatoire dans un roman historique comme celui-ci et ne pas l'avoir aurait manqué de crédibilité. Enfin, l'auteur abuse des points de suspension. Je comprends bien sa manière de les positionner, mais ils sont trop abondants quand un simple point aurait suffi dans la majeure partie des cas.
Malgré ces quelques points, ce fut un plaisir que de lire cet ouvrage. Et même si le nom de Dieu apparait dans le titre, je ne pense pas qu'il faille supposer que l'auteur prenne partie pour une religion ou une doctrine. On peut se poser la question à certains moments. Mais à d'autres, on sent qu'il pose des questions sur la futilité de tant de morts pour des croyances, aussi fortes soient-elles. C'est que Roland Habersetzer est un homme d'honneur. Et il s'était fait la promesse, il y a fort longtemps de cela, d'écrire sur ce petit bout d'histoire d'un pays qu'il affectionne tant. Peut-être que notre éducation judéo-chrétienne a fait qu'il a été plus sensible à cette révolte qu'à une autre. Mais, au final, c'est aussi l'historien qui parlait pour que rien ne soit jamais caché.
Pour ma part, je découvre une nouvelle facette d'un homme que j'admire pour son travail réalisé dans les arts martiaux. Une facette qui me plait. Roland Habersetzer est un homme très à cheval sur la tradition dans la pratique martiale. Et c'est pour cela qu'il dut se rebeller contre les instances fédérales en France. À la fois rebelle et garant d'une authenticité. Et on ressent parfaitement ces deux faces dans ce roman. Pour cela, je ne peux terminer que par OSU !