Les Chroniques de l'Imaginaire

Plogoff (Plogoff - 1) - Le Lay, Delphine & Horellou, Alexis

Nous sommes en 1975, à Plogoff, une petite ville du Finistère située non loin d'Audierne et de la célèbre pointe du Raz, celle où les touristes affluent en nombre afin de voir la mer déchaînée, les jours de tempête. La vie s'écoule tranquillement dans cette ville, entre les enfants que l'on élève et les maris qui partent en mer pour plusieurs jours afin d'aller y pêcher ce qui remplira les assiettes.

Mais depuis quelques temps, des tracts sont distribués dans les marchés des environs. Les personnes qui les distribuent militent pour la construction d'une centrale toute neuve à Plogoff. Une centrale qui produira de l'électricité pour toute la Bretagne, et qui permettra à des centaines de personnes de trouver un emploi stable. Mais les habitants de Plogoff sont plutôt méfiants. C'est le mot nucléaire qui fait peur. Même si plusieurs sites bretons sont encore en lice pour la construction de cette centrale, il est étrange de voir que même le maire de Plogoff a appris la nouvelle par la presse, et n'était nullement au courant de ce projet de l'état.

Alors, les réunions d'information du soir commencent. Les gens parlent de ce projet de plus en plus, au marché, ou chez Céline, le principal café de la bourgade bretonne. Des gens sont là pour expliquer le fonctionnement de ces centrales. On produit de l'électricité en faisant une fissure du noyau des atomes. A Plogoff comme ailleurs, on n'est pas forcément physiciens de père en fils, mais on comprend vite que cela n'est pas vraiment naturel.

Alors, la résistance s'organise : on commence par faire des barrages qui empêcheront les agents d'EDF de faire des relevés sur le terrain visé. Et rapidement, c'est toute la Bretagne et même le pays nantais qui viennent prêter main forte aux manifestants. Les policiers sont bien présents sur place, et les journaux télévisés sont bien loin de rapporter la vraie lutte qui a lieu sur le terrain. Pourtant, le président Giscard n'a-t-il pas affirmé qu'aucune centrale ne serait construite sans l'aval des riverains ?

Ce livre nous replonge en plein lobby nucléaire, avec les manifestations qui ont lieu en Bretagne, un peu comme ce qui s'est passé à l'époque à Fessenheim ou en Gironde par exemple. Nous nous retrouvons dans un village de pêcheurs, sur la côte bretonne, dans le Finistère Nord, et nous suivons ici les nouvelles avec les habitants même de Plogoff, sur les quelques années qu'a duré la lutte.

Les auteurs, Delphine Le Lay et Alexis Horellou, se mettent ouvertement du côté de la population de Plogoff : on a donc un véritable parti pris ici, qui est sans doute extrêmement réaliste de la vision des bretons à l'époque de Giscard. Le livre est aussi plutôt tourné vers une vision idéaliste de la gauche, avec l'annulation finale du projet avec l'élection de François Mitterand en 1981.

Pour autant, il aurait été sans doute intéressant de voir les pressions exercées par l'Etat pour faire un tel forcing sur les autochtones bretons. Cela en est assez hallucinant au regard de ces pages. D'autant que les dessins de Horellou parviennent à nous faire parfaitement évader le long des côtes finistériennes. C'est beau, avec un trait fin et détaillé. Les expressions des résistants sont parfaitement retranscrites, de façon là encore très réaliste.

Un livre qui est finalement bien agréable à suivre, où l'on ne s'ennuie jamais, même s'il reste sur un parti pris, qui est forcément le bon côté lorsqu'on est, comme beaucoup, contre l'implantation de ces centrales. Un sujet qui reste d'actualité aujourd'hui, et qui a fait l'objet de certaines sorties dans le neuvième art, comme le fabuleux Un printemps à Tchernobyl d'Emmanuel Lepage. Un livre qui ne devrait donc pas uniquement intéresser les finistériens !