Les Chroniques de l'Imaginaire

Ames de verre (Le Sidh - 1) - Hauchecorne, Anthelme

Si vous lisez ces quelques lignes, c'est que vous êtes un(e) Eveillé(e). Vous avez acquis la Vue, dans la douleur et la peine, cette capacité de voir ce que le commun des mortels, les dormeurs, ignorent : les monstres qui hantent les rues de nos villes, ceux que nous appelons les Streums ou Daedalos. Nous, les membres de la Vigie, nous les pourchassons implacablement. Enfin certains vous diront qu'ils ne sont pas tous mauvais. Mouais, rien qu'à voir leur tronche, on en doute. En ce moment, une menace pèse sur l'humanité : une musique, un requiem dont les notes ont été disséminées et qui pourrait bouleverser le fragile ordre établi si jamais il était recomposé. Alors, vous allez rester les bras ballants ou vous joindre à la lutte ? C'est maintenant ou jamais.

Au début de ma lecture, je me suis demandée dans quoi je m'embarquais. Car Anthelme Hauchecorne n'aime pas le linéaire et s'amuse à mélanger les genres. On passe donc d'un extrait du livre fondateur de la Vigie aux aventures d'une jeune recrue puis on se retrouve dans un journal intime avant de suivre un concert dont les protagonistes nous sont inconnus pour finalement découvrir un dessin noir et blanc angoissant. Mais très vite, le lien se fait entre ces différentes parties et on comprend qu'on vient de plonger dans un monde nouveau qui s'éclaire petit à petit sous nos yeux écarquillés.

L'auteur revisite nos légendes urbaines pour nous offrir une vision terrifiante de notre monde, un monde caché, grouillant, sale et monstrueux, regorgeant de dangers issus de nos cauchemars d'enfant. On suit principalement Camille, une jeune recrue dans une enquête dont les pièces s'imbriquent peu à peu les unes dans les autres. Attention, la balade n'est pas de tout repos. Le sang coule à flots, les bagarres musclées et dévastatrices sont légion. On met les deux pieds dedans, sans retenue ni gilet de sauvetage ou presque.

L'auteur a une plume dynamique, qui manie les images et les métaphores à foison mais sans que cela ne devienne indigeste. Il joue avec aisance sur les registres de langue, passant du poétique au familier sans sourciller. Il possède un style qui lui est propre ou devrais-je plutôt dire poisseux, sanglant, puant, parfois lyrique avec une juste dose d'humour qui s'accorde à merveille avec son histoire. A noter la présence de magnifiques illustrations de Pascal Quidault qui donnent vie à cet univers.

Du côté des personnages, l'auteur aime troubler son lecteur. Sous des apparences de grosse brute épaisse sans cervelle, ceux-ci sont finalement tout en nuances. Il est d'ailleurs bien difficile de distinguer le bien du mal, les gentils des méchants. Méfiez-vous de ce qui semble trop évident, la vérité n'est pas si simple.

Alors n’hésitez pas et dévorez ce premier tome. Mais attention à l'addiction, elle guette et vous pourriez, comme moi, vous retrouver en manque en attendant la suite.