Parmi les lettres de condoléances qu'elle reçoit après la mort de sa mère, Camille Wermeer trouve un courrier anonyme qui lui raconte une histoire, dont au début, croyant à une erreur, elle recherche le véritable destinataire, avant de penser que c'est le moyen trouvé par un écrivain pour lui faire lire son manuscrit, puisqu'elle est éditrice. Mais elle découvre, au fil des semaines et de l'arrivée des lettres, que celles-ci la concernent au plus près.
Ce premier roman a été à juste titre très remarqué. Il tient du roman épistolaire, du thriller et du suspens psychologique. Il s'agit d'une histoire racontée à plusieurs voix, par les protagonistes d'un drame qui a eu principalement comme toile de fond l'immédiat avant-guerre et la seconde guerre mondiale : une femme stérile se laisse peu à peu envahir par son désir fou d'enfant, au point d'accepter la proposition aventurée d'une toute jeune fille de porter un bébé à sa place.
Trois des quatre protagonistes racontent chacun sa vérité, et il est troublant de constater les discordances d'une version à l'autre, les mensonges ou non-dits, c'est très crédible, comme d'ailleurs les personnages, superbes, même si celui de Louis, comme celui de Camille, sont en retrait. L'auteure s'est habilement abstenue de donner la parole au quatrième, dont le silence est assourdissant.
J'ai quand même eu du mal à croire que ni Annie ni le mari de Madame M. ne semblent avoir pensé qu'elle pouvait mentir, sachant quel intérêt elle avait à cela et, dans le cas d'Annie, de quoi elle était capable. Mais surtout la "révélation" finale m'a paru totalement impossible à croire, du fait qu'aucun indice véritable ne l'annonce. Du coup, elle m'a paru tenir du conte de fée, ou du happy end obligatoire.
Mais ce bémol est finalement mineur, tant les qualités de luvre l'emportent. J'ai notamment énormément apprécié le "détail" de la naissance de Pierre, qui tient de la farce cruelle dans l'histoire, et qui rappelle combien le désir d'enfant fait obstacle très souvent à la fécondité, quand il est excessif, et cela reste vrai de nos jours, bien sûr.
La version audio m'a paru convenir particulièrement bien à cette atmosphère de confidences, d'autant qu'elle est servie par un casting de luxe : Carole Bouquet (Madame M.), Sara Forestier (Annie) et Jacques Weber (Louis) entourent l'auteure qui dit le rôle de Camille.