Les Chroniques de l'Imaginaire

Vanité de Duluoz - Une éducation aventureuse 1935-1946 - Kerouac, Jack

Comment écrire un roman quand on en est le personnage principal et narrateur ? Voilà la pierre angulaire de l’œuvre de Jack Kerouac. Quelques mois avant sa mort, il se demande encore comment il a grandi ? Quelle place ont occupé ses parents dans sa vie, mais aussi dans son développement et sa fuite vers un ailleurs ? Comment il en est arrivé là où il s'est finalement posé ? D'où vient-il en définitive ce Jack Kerouac, l'initiateur d'une cause existentialiste et désenchantée dans laquelle il ne se reconnaît plus, lui, Jack Kerouac-Duluoz, un des auteurs les plus plébiscités (et controversés) de l'Amérique du vingtième siècle.

Son dernier roman tente de répondre à ces interrogations existentielles, tel un dernier fil d'Ariane dans une réalité noyée par l'alcool. A coups d'anecdotes, de phrases assassines, de coups d'éclats naïfs et de tendresse féline, Kerouac nous livre son enfance, son éducation et ses désillusions. Parti d'un quartier misérable d'une petite ville du Massachusetts, il sera reçu dans les plus grandes universités du pays. Son investissement dans le football lui a garanti sa bourse d'études. Et il se retrouve en cours avec des Juifs riches qui le méprisent. Mais il a toujours eu la vanité de se croire supérieur.

C'est cette même vanité qui lui fera perdre les pédales. Car Duluoz est désenchanté mais il reste persuadé que tout est encore possible. Il quittera l'université pour s'engager dans la marine. Et il désertera aussi sec pour partir sur un paquebot marchand en direction du Groenland. Il est pourtant réincorporé dans la Navy à son retour, direction les côtes britanniques pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Et toujours, il revient s'enliser chez ses parents. Car la quête pour devenir un « grand écrivain » est un échec.

Un survol des premiers émois aventureux, bien avant la traversée de plusieurs années qu'il entreprendra plus tard, voilà ce que Kerouac nous propose avec Vanité de Duluoz. J'ai commencé la lecture de ce roman autobiographique un peu sur les pattes arrières, je dois bien l'avouer. On lit Kerouac parce que c'est culturellement correct, et qu'il faut bien en avoir lu une fois dans sa vie. Pourtant je me suis laissée prendre au jeu. J'ai aimé la gaieté communicative et le désespoir profond que l'auteur sait faire passer dans des phrases percutantes et simples. Il y a des longueurs, certes, mais c'est un style en soi, une vague qui nous emporte au rythme des mots. Voyage dans l'intériorité d'un inconnu, avec des péripéties plus ou moins rigolotes (Kerouac a tout de même été accusé de complicité de meurtre), Vanité de Duluoz est bien plus riche de sens et de sensations que je ne l'attendais. Bref, je ne verrai plus jamais Kerouac comme un simple passage obligé de la littérature contemporaine.