Les Chroniques de l'Imaginaire

Le convoi (Le convoi - 2) - Lapière, Denis & Torrents, Eduard

Nous sommes à Barcelone, en 1975. Après la plus grande surprise de sa vie, c'est la colère qui, pour le moment, anime Angelita. Alors qu'elle pense que son père est mort depuis qu'elle a quinze ans, c'est maintenant, à l'âge de quarante-quatre ans, qu'elle se retrouve assise dans un bar en face de lui, à l'écouter donner ses explications. Et ces dernières arrivent. Doucement. Étonnamment...

Manuel n'a tout d'abord pas supporté que sa femme lui dégote un faux certificat médical qui a pu lui empêcher de mourir en se battant contre les armées suréquipées de Franco. Durant un moment, le jeune homme était en colère : il a même souhaité abandonner sa femme et sa fille, Angelita, une fois ces dernières en sécurité en France, pour retourner se battre à Barcelone. Mais le courage de sa famille dans cette épreuve l'a bien convaincu de rester avec eux.

Mais voilà que même en France, les familles étaient séparées, et les fugitifs espagnols repris. Manuel a réussi à s'échapper, et à vagabonder pendant des mois, en vivant dans la nature et en remontant à pieds vers le Nord. Mais Manuel a été pris, et parqué dans un camp à Angoulême, avant d'être pris par les allemands durant le gouvernement de Vichy, et d'être envoyé comme les juifs dans un camp de concentration. Durant quatre années.

Manuel a ensuite mis dix années à se reconstruire, sous une fausse identité belge, avant de se mettre en tête de retrouver sa famille. Cela a été le cas depuis plus de quinze années avant qu'il revoie Angelita. Quinze années durant lesquelles les parents d'Angelita n'ont eu d'autre choix que de vivre en amants, en cachant tout à René et à Angelita. Quinze années où ils ne se voyaient à Barcelone qu'une seule semaine par an, avant d'en arriver là...

Ce second tome signe, autant le dire tout de suite, la fin d'un diptyque résolument humain. Les sentiments y sont retranscrits avec une grande justesse et avec une grande beauté. Un état de fait qui est carrément le signe que Eduard Torrents dessine là une partie de ce qui est arrivé à sa propre famille. Le dessinateur espagnol nous sert ici ses plus belle planches, avec des expressions parfaitement justes, quel que soit le membre de la famille qui est représenté, et quelle que soit l'époque où il est dessiné.

Il est parfaitement aisé de suivre ce récit, malgré les nombreux flashback et retours au présent qui le parsèment. Denis Lapière a pu s'appuyer sur un dessinateur exigeant et très talentueux avec les personnages, pour laisser libre cours à son histoire. Nous sommes là dans une tranche de vie historique, une histoire de famille inscrite dans l'Histoire d'un pays. On assiste à la mort de Franco, à la libération d'un pays, à la libération des prisonniers survivants d'un terrible camp en Allemagne.

De quoi passer un formidable moment de lecture : voici un diptyque qui marquera sans nul doute les esprits, de façon durable.