Les Chroniques de l'Imaginaire

Loar - Henry, Loïc

Asbjorn, souverain du royaume stellaire de Melen, a de bonnes raisons d’être satisfait. Le test de sa nouvelle arme secrète a proprement rayé de la carte la planète Beltz. Après cela, nul doute que les Royaumes du Ponant vont céder à son ultimatum, il pourra ainsi effacer l’affront qu’il a subi douze ans plus tôt en échouant à les soumettre. Ensuite, il n’aura plus besoin de la Sainte Religion qui lui sert de prétexte à la conquête et pourra assujettir la Sainte Planète de Kreis. Les mercenaires Latars deviendront alors inutiles : une fois leur planète d’origine conquise, Asbjorn règnera intégralement sur l’univers connu.

Évidemment, les intentions des autres camps en présence ne concordent pas vraiment avec celles d’Asbjorn… Evzek, archiprêtre de Kreis, a noyauté l’armée de Melen et projette un coup d’état pour placer sur le trône un souverain plus malléable. Les mondes périphériques, considérés comme négligeables, prévoient de profiter des troubles à venir pour étaler leur puissance véritable et conquérir l’univers connu par surprise. Quant aux neuf royaumes, ils n’ont guère envie de céder sans combattre à leur ennemi de toujours : il suffirait d’un rien pour leur donner le courage de s’opposer à Melen. Un rien qui se réduit à la découverte fort opportune d’une parade possible à l’arme de Melen et à la personnalité charismatique d’Emrodes, le jeune souverain de Loar !

La quatrième de couverture de ce roman nous annonce un space-opéra grandiose, je ne peux que me ranger à cet avis. Malgré l’épaisseur de l’ouvrage, je l’ai dévoré en quelques jours à peine. Il faut dire que Loïc Henry a mis en place un univers à la fois complexe et cohérent. Il y a une vraie richesse, que ce soit au niveau des forces en présence (par exemple, en sus des adversaires principaux, l’échiquier comporte également des « royaumes mineurs » ou encore « les planètes ardentes », que leur faiblesse contraint à une politique de survie leur enjoignant de s’allier aux vainqueurs potentiels des prochains conflits) ou des menus détails (comme la faune et la flore des différentes planètes). D’ailleurs, nombre d’éléments n’ont qu’un rôle mineur dans l’intrigue, si ce n’est la mise en place d’un contexte élaboré. À l’inverse, certains amorcent une vraie réflexion : contrôle de la religion, manipulations génétiques à l’extrême, formes de gouvernement, etc.

Les royaumes ont tous leur spécialité propre (technologie, espionnage, matières premières…) mais ils se rejoignent cependant sur un point : la présence quasi systématique aux côtés du souverain de stratèges Latars et de conseillers spols. Les Latars sont de lointains descendants des guerriers Mongols, qui monnaient fort cher leur compétence dans l’art de la guerre. Redoutables, loyaux et un peu secrets. Ils sont cependant loin d’être aussi mystérieux que les spols : une infime proportion de la population, quelle que soit sa planète d’origine, est sujette à des transes qui transforment les individus concernés en personnages fantasques épris d’indépendance. Les insaisissables spols sont cependant des analystes hors pair, ce qui les rend précieux aux dirigeants qui s’appuient sur leurs avis en matière de géopolitique.

Si j’ai trouvé que les spols sont des personnages fascinants, les autres intervenants ne sont pas en reste et sont tous intéressants. Par contre, je les trouve dans l’ensemble un peu trop gentils, un peu trop « propres » : même les dirigeants de puissances agressives paraissent au final plutôt sympathiques. D’ailleurs, cela donne parfois à l’histoire un petit côté fleur bleue qui détonne un peu. De plus, certains passages, clairement destinés à l’information du lecteur, donnent à celui-ci une curieuse vision de certains personnages, à l’opposé du ressenti global : que penser par exemple d’un dirigeant qui demande à son historien un cours de quelques phrases sur l’histoire de l’espace ? J’ose espérer que cela ne lui est pas vraiment nécessaire ! Cela reste cependant anecdotique au vu de la qualité globale du roman.

Univers fouillé, intrigue intéressante et écriture fluide se combinent donc pour donner une œuvre particulièrement prenante. Je n’ai qu’un souhait : que les questions restées ouvertes donnent matière à un nouveau roman situé dans cet univers !