Nous sommes à Londres, en 1872. Ally est une jeune fille très jolie et très distinguée, parmi les plus désirables de cette Angleterre Victorienne. Tout serait absolument parfait, si la jeune fille n'était pas sujette à de terrifiants cauchemars qui semblent si réalistes, et si funestes pour son avenir. En se réveillant du dernier d'entre eux, c'est avec horreur que la jeune fille découvre son père abominablement assassiné dans son bureau...
Charles Hebert Hugh était un homme de science, à qui le tout Londres rend maintenant hommage. Sa veuve et Ally sont effondrées. Ally a passé son enfance à devenir une épouse parfaite, elle est promise à un jeune homme d'excellente famille, mais Alexander manque un peu de courage, dès qu'il s'agit de sortir des rangs tout tracés.
En fouillant le bureau de son père (malgré l'interdiction formelle de son juge d'oncle), Ally découvre qu'elle a été adoptée par cette famille. Elle est née d'une pauvre femme péripatéticienne, et elle possède une sur jumelle prénommé Carry. Charles et sa femme ont tenu à adopter Ally, afin d'observer les différences entre l'inné et l'acquis, entre Ally et sa sur, qui aura bénéficié d'une toute autre éducation.
Ally est bien entendu folle de rage en apprenant la nouvelle : elle s'enfuit de la maison afin de retrouver sa mère et sa soeur, et finit par rencontrer Juan, un drôle de garçon vivant dans un zoo, qui sait où retrouver la mère d'Ally, dans les bas fonds londoniens. Une nouvelle vie démarre complètement maintenant pour Ally, bien loin du luxe et de l'univers qu'elle a toujours connu. Pour autant, ses cauchemars n'arrêtent pas de la suivre.
Et ce sont des cauchemars qui ont un rapport avec une tribu indienne très lointaine, mais cela sera bien plus approfondi dans le tome suivant de cette nouvelle série, Douce, tiède et parfumée. Ce premier tome est avant tout, comme bien souvent, l'occasion de présenter les personnages. Ceux-ci sont profondément travaillés, et bénéficient vite d'une grande crédibilité. Le rythme du récit est bon : il se passe toujours quelque chose d'étonnant, tout en prenant le temps de poser les choses.
Et en cela, il faut tout de suite rendre hommage au travail graphique d'Ignacio Noé : c'est bien simple, les dessins sont absolument superbes. Les personnages et les costumes sont finement travaillés, et les larmes noires de mascara d'Ally sont confondantes de réalisme. Je passe les détails sur certaines images d'Ally nue, qui sont absolument magnifiques également (le dessinateur argentin fait habituellement dans l'érotique et même plus). Les détails sont nombreux, et permettent de se faire une opinion, de donner de la profondeur aux personnages, d'où cette impression d'un livre très achevé rempli de personnages attachants.
Graphiquement, cela est à cheval entre certaines planches d'un Jean-Pierre Gibrat, et certains visages d'un dessinateur comme Laurent Hirn : de quoi passer des heures à admirer un tel travail d'orfèvre. Une série qui se remarque surtout graphiquement, et qui tient également la route au niveau du scénario. Seules certaines cases manquent un peu de mouvement, ce qui est un petit défaut fréquent, ennemi du détail et du réalisme.
Un premier tome sur lequel vous pouvez bien sûr vous jeter à corps perdu, en attendant la suite !