Julia passe quelques jours dans sa maison du Maine avec Edward et Katharine, ses parents vieillissants. Le temps est agréable, elle se met en quatre pour que tout se passe pour le mieux... Mais la légèreté n'est pas au rendez-vous. Il faut dire que, malgré l'amour qui les lie, les relations entre Julia et ses parents ne sont pas simples. Julia se sent jugée par son père et sa mère l'agace. Edward, chirurgien à la retraite, ne peut pas s'empêcher de distribuer ses conseils et ses observations, même quand il semble évident que personne n'a envie de les entendre. Quant à Katharine, elle perd doucement la mémoire, et si son heureuse nature l'aide à dissimuler son nouvel état à sa famille, elle sent pourtant le désarroi entrer dans son existence.
Steven, le fils de Julia, rejoint bientôt la maison familiale. Il est porteur de mauvaises nouvelles. Jack, de deux ans son cadet, musicien et résidant à Brooklyn, a toujours donné du fil à retordre à ses parents. Son charisme est parvenu jusqu'ici à faire oublier sa paresse et sa résistance à toute forme d'autorité. Steven s'est efforcé, pendant des années, de le couvrir et de rattraper le coup quand Jack prenait trop de drogues. Mais là, il ne peut garder le secret plus longtemps. Une récente visite chez son frère l'a placé devant une terrible réalité : du shit à la coke, Jack a fini par passer à l'héroïne, et est devenu totalement hors de contrôle.
Cette révélation laisse Julia interdite : elle n'a jamais fermé les yeux sur les impairs de son fils, mais faire face à cette nouvelle dépendance lui est impossible. Steven la pousse à sortir de son déni et elle contacte Wendell, son ex-mari et père de ses deux garçons, pour l'aider à débrouiller la situation. Wendell parvient à amener Jack dans le Maine, et le huis clos familial va virer au cauchemar.
Ce livre est passionnant et dérangeant. L'auteur s'est appuyée sur une documentation solide pour le rédiger. On le ressent bien, et ces recherches sérieuses donnent au roman un aspect presque documentaire qui ne pourra qu'aider, ou tout du moins renseigner, les personnes confrontées à ce problème d'addiction. Roxana Robinson a choisi un style précis et limpide qui ne fait pas d'ombre au propos. Ce réalisme cru est parfois dur à supporter, mais parfaitement adapté à la violence du sujet.
L'humanité qui se dégage de Jours toxiques rend sa lecture éprouvante, car on s'attache très vite à ces personnages lambda. D'autant que Roxana Robinson utilise des techniques d'écriture efficaces pour nous faire entrer dans leurs têtes : on assiste à plusieurs changements de focalisation dans un même chapitre, voire dans un même paragraphe. Le récit se déroule en suivant le fil des pensées de tous les personnages. On commence à lire en étant dans la tête de Katharine ; puis sa fille Julia apparaît à la porte et on glisse soudain dans sa tête en découvrant la manière dont elle perçoit sa mère. Cette multiplication de points de vue nous donne l'impression de connaître intimement les personnages et de saisir leurs rapports dans toute leur complexité.
Ça fait déjà beaucoup de qualités pour un seul livre, mais l'auteur parvient à un autre tour de force : nous plonger dans son roman dès la première ligne, alors que le sujet principal - l'héroïne - ne fait son apparition qu'au bout de cent vingt pages. Cette longue introduction arrive à nous faire oublier de quoi il va être question, tout en posant les bases nécessaires à l'appréhension globale de cette famille compliquée, et donc très banale. Quand on entre dans le vif du sujet, la claque est donc aussi violente pour les personnages que pour le lecteur.
On termine ce roman la gorge serrée, d'autant que Roxana Robinson s'essaie à un parallèle - très réussi - entre les dégâts infligés à l'esprit par la vieillesse et par la drogue, en nous faisant suivre en parallèle la dégradation de Jack et celle de sa grand-mère qui souffre de la maladie d'Alzheimer.
Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre addictif (sans mauvais jeu de mot), tant pour ces qualités documentaires que littéraires.