Les Chroniques de l'Imaginaire

Camp Paradis - Nozière, Jean-Paul

Les éclopés de la vie n'ont que bien peu d'endroits où grandir. Ces enfants de la guerre, du malheur et de la souffrance n'ont que Camp Paradis où espérer équilibrer leur jeune vie et être heureux. Entre Ma et Pa, ils cicatrisent leurs blessures et se créent une famille. Camp Paradis est une véritable oasis de paix au milieu de ce monde devenant de plus en plus fou, où les ethnies s’entre-tuent au nom d'un président, d'un dieu, d'une monnaie...

Boris, Fatouma, Serge, Djodjo et Victoire sont les résidents permanents du Camp Paradis. Ce sont eux qui, au milieu de cette guerre civile qui ravage le pays, vont se débattre pour préserver leur famille. L'enfant soldat violée par des mercenaires, l'handicapé sensé porter malheur, l'esclave vendue par ses parents, le jeune garçon affamé fuyant la peste, et le fils du vendeur d'armes. C'est lui, le futur écrivain qui racontera l'histoire du Camp, qui racontera leur vie à tous.

"Cette histoire se déroule dans un pays imaginaire. Elle raconte des événements imaginaires. Evidemment." Sur ces mots d'une cruelle ironie s'ouvre ce livre. Ce pays imaginaire, cette réalité imaginaire n'est malheureusement que le reflet de bien des pays, en Afrique noire, en Asie, ou encore au Moyen Orient.

Le rythme du livre est plutôt calme, un peu décousu même parfois. Quelques bribes d'information tombent à certains moments du récit, et cela colle parfaitement au parti pris des notes d'auteur. Les personnages sont tous d'une imperfection qui les rend extrêmement attachants. Finalement, il n'est que le passé de Pa et de Ma que l'on ne connaisse quasiment pas. Le contraste entre la légèreté de la vie du camp et le passé des pensionnaires est saisissant, et il n'est pas sûr que cela rende les choses beaucoup plus acceptables, bien au contraire.

Et puis tout s'accélère et l'improbable se produit. Le Camp qui pendant tout ce temps a échappé aux misères du monde se trouve en plein cœur de la prochaine bataille. Cette fin rocambolesque convient finalement parfaitement au reste de l'ouvrage, livré sur le vif des souvenirs et des notes de Boris.

Ce roman est réellement poignant, il livre une émotion brute, comme si cette histoire imaginaire n'était que le récit d'une guerre réelle, dans toutes ses atroces habitudes. A partir de douze ans, à lire, à transmettre cette mémoire qui n'est pour beaucoup pas si imaginaire que ça.