Tokyo, vendredi 11 mars 2011, Michaël Ferrier est en compagnie de Jun lorsque, sous leurs pieds, la terre s'éveille. Michaël essaie de rester calme en se rappelant les conseils entendus mille fois. Dans l'urgence, un seul lui revient, se mettre sous la table. Dans la cuisine, les tiroirs et les placards s'ouvrent pour déverser leurs contenus. Autour d'eux, les portes claquent et les fenêtres tressautent comme si un peuple de démons avait décidé d'envahir la maison. Et puis le son s'amenuise, se raréfie jusqu'à devenir inaudible.
En sextirpant de sous la table, Michaël a tellement été secoué quil n'arrive pas à marcher droit. Jun allume la télé et sur l'écran apparaît une carte du Japon où toutes les côtes du Pacifique sont surlignées en rouge. Un avertissement s'affiche : tsunami.
Le lendemain, les télévisions repassent les mêmes images en boucle. La grande vague a tout emporté dans la région de Tohoku, faisant plus de 20 000 morts et disparus. Un nom revient : Fukushima. Le tsunami a fait fondre les coeurs des réacteurs qui ont explosés et du césium 137 s'en dégage.
Tout le Japon tremble, les séismes s'enchaînent à une cadence folle avec, à chaque fois, la possibilité d'un nouveau tsunami. Les répliques continuelles énervent les gens, la situation dans le Nord les touche. La crainte d'une catastrophe nucléaire de plus grande ampleur préoccupe les esprits. Plus de quatre-vingt mille personnes sont évacuées en raison de l'état d'urgence nucléaire.
L'accumulation de ces mauvaises nouvelles galvanise Michaël et Jun. Ils partent pour le Nord, emportant avec eux de leau, des médicaments, des vêtements et des vivres pour les réfugiés. Ils s'engagent sur la route 45, un trajet mythique décrit par le poète Bashô qui longe les cinq cents kilomètres des plus merveilleux paysages côtiers. Au début, c'est une impression trompeuse de normalité puis, au détour d'une courbe, le désastre les prend. Il n'y a plus rien, tout est aplani en un tapis de débris sur des kilomètres et des kilomètres.
Michaël et Jun vont ainsi remonter le pays jusqu'à la zone interdite. Le silence est omniprésent à Futabam Tomioka, Namie, Okuma, Minami-Sôma ou encore Iitate-mura. Des villes où ne résonnent plus que le souvenir de l'absence, les nouvelles villes fantômes du Japon.
Michaël Ferrier vit à Tokyo depuis dix-neuf ans où il enseigne la littérature. Il dépeint d'une façon sobre et précise, avec une pudeur toute nippone, les lieux et le ressenti des gens. Il aborde les côtés techniques et scientifiques du phénomène sans omettre un peu de poésie ou de mythologie pour redonner quelque légèreté à ses propos. Michaël Ferrier confie ses sensations, le rôle des médias ainsi que la stratégie d'information qui a prévalu après le séisme et le tsunami.
Fukushima, récit dun désastre livre un témoignage poignant d'une catastrophe majeure. Un plaidoyer anti-nucléaire ? En partie, car il dresse le constat sur la gestion de cette catastrophe par les autorités et la manipulation de la population. Les japonais s'installent bien malgré eux dans une demi-vie que l'élite dirigeante impose en présentant une situation anormale comme normale, en légalisant la mise en danger de la vie. Une existence amputée de ses plaisirs les plus simples (savourer une salade, rester sous la pluie, etc.).
Un récit dont le lecteur ne sortira pas indemne, mais avec un profond sentiment d'empathie pour ce peuple qui doit désormais vivre dans un pays contaminé et ce pour des générations.