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Tomyris et le labyrinthe de cristal - Oksana & Prou, Gil

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Au sixième siècle avant le Christ, Cyrus le Grand fait trembler l’Orient, décidé à réunir sous le joug de la Perse toutes les peuplades connues. La Sogdiane, l’Hyrcanie, l’Arachosie, le Gandhara et bien d’autres ne sont plus que des satrapies de l’Empire. A leurs dirigeants en exil, qui ont préféré l’honneur et la liberté à une vile soumission, il ne reste qu’une alternative : rejoindre le seul peuple qui résiste encore, celui des Massagètes, mené par sa reine l’amazone Tomyris.

Voici quelle est la situation au début du roman. Par un hasard qui ne sera guère expliqué, plusieurs de ces souverains en exil décidés à continuer le combat sous la bannière de Tomyris se sont retrouvés ensemble sur la route. Leur petit groupe est également constitué de divers voyageurs de moins noble naissance mais tout aussi décidés à lutter contre l’envahisseur perse.
Cela fait pas loin d’une dizaine de personnes, que l’on découvre tous en une seule fois. Comme un contrecoup de cette présentation groupée, j’ai eu du mal à différencier les personnages et à les voir comme des individus uniques. Plusieurs pourraient être interchangés sans souci, ce qui les rend peu attachants. D'autant que les paraphrases les désignant la plupart du temps nécessitent de se concentrer pour savoir de qui l’on parle : passe encore pour « le petit-fils du roi de Gandhara », mais « l’amant de la sœur d’Hattusilli » implique que l’on se rappelle non seulement des personnages mais également de leur situation amoureuse (chacun d’eux se retrouvant assez rapidement en couple, sans que cela n’apporte grand-chose à l’intrigue). Les répétitions des différents éléments factuels sur chaque personnage (par exemple l’amour déçu de Zylmaxiïs, ou le talent d’Yzalis à l’arc) ne pallient pas vraiment au problème, se contentant de lasser le lecteur qui lit plusieurs fois la même chose.
De tous ces personnages, la plus importante est Ozzymandra, ancienne souveraine de Sogdiane, à qui Tomyris va remettre un artefact magique (un ouroboros très puissant). Pourquoi donc n’est-ce donc pas elle qui a droit à son nom dans le titre de l’ouvrage ? Certes, Tomyris est un personnage historique, contrairement aux voyageurs qui sont au centre du récit, mais elle n’apparaît que dans une petite portion de cette aventure.

La recherche de vocabulaire est évidente. Les mots trop communs sont bannis, et les adversaires des héros seront systématiquement des « malandrins » ou des « misérables », ceux qui prennent un mauvais coup des « malheureux ».
Hélas, cela se fait souvent au détriment de la lisibilité. On a régulièrement l’impression que les auteurs, tous contents d’avoir trouvé à employer un mot peu commun, l’ont casé à la va-comme-je-te-pousse sans trop s’inquiéter de savoir s’il était bien approprié. Si les « girations de hache » ou le « pouvoir vulnérant » m’ont fait sourire, je reste encore dubitative face au « silence poisseux » (deux fois !), au « combat rugueux » ou encore le moment où « le soleil hoqueta ». J’apprécie la recherche stylistique, mais j’avoue trouver plus bancal qu’intéressant un groupe nominal comme « un regard fulgurant qui outrepassa toutes les insultes connues ».
L’emphase est systématique. Les adjectifs les plus forts sont suremployés, encore et encore, atténuant l’effet qu’ils pourraient avoir : j’ai relevé trois occurrences de « dantesque » par exemple, et plus d’une demi-douzaine d’ « inouï ». J’ai renoncé à compter les trucs « fous », « impensables », « indicibles », « indescriptibles », « hallucinants » ou encore « ahurissants ». Tout est tellement galvaudé que cela n’a plus le moindre effet sur moi.
Et quand il n’y en a plus, il y en a encore : quand les auteurs étaient à court, ça devient carrément lourd. J’ai noté par exemple à la page 394, dans la description d’une grotte lumineuse : « Deux notions venaient immédiatement à l’esprit : transparence et blancheur. Mais, pour être fidèles à la réalité vue et ressentie, ces expressions devaient être plongées au sein d’un diamant géant afin d’en exhausser la grandeur et la limpidité ». Personnellement, ça me fait d’abord soupirer (le temps que je comprenne bien), puis sourire tellement c’est pompeux, ce qui n’est pas je pense le but recherché.

A signaler également un abus de points d’exclamation mais également de points de suspension en cours de phrase, probablement destinés à faire monter le suspense.
Je passe sur quelques tournures douteuses, comme l’emploi récurrent de « demain » à la place de « le lendemain ».
Par contre, j’ai été vraiment dérangée dans ma lecture par des problèmes de concordance des temps : l’illustration la plus flagrante en est l’usage quasi systématique du futur là où on devrait normalement trouver le conditionnel, puisque le récit est fait au passé.

Revenons-en maintenant au fond en oubliant la forme. Le roman se découpe grosso modo en deux parties, deux quêtes : le voyage pour rejoindre Tomyris, puis celui pour rejoindre le labyrinthe où la reine Ozzymandra pourra obtenir un pouvoir extraordinaire, avec entre les deux le combat contre Cyrus le Grand. Ce sont donc surtout des aventures liées au chemin parcouru qui sont contées, avec des rencontres de brigands, sectes et mages agressifs qui vont donner lieu à de nombreux combats.

Dans la première partie, le lecteur aura l’occasion d’en apprendre plus sur l’Histoire avec un grand H. Le destin de Cyrus le Grand et son affrontement avec le peuple de Tomyris s’appuient sur des données historiques, ce qui rend le contexte intéressant. La deuxième partie vire rapidement au fantastique pur, avec l’intervention de monstres infernaux tous plus horribles les uns que les autres.
Les rebondissements sont nombreux, et toujours hauts en couleurs. Cependant, le déroulement des événements est souvent assez naïf, peu crédible : quel guerrier, en plein combat, s’occuperait d’abord de remettre de l’ordre dans les vêtements d’un mort plutôt que d’aller prêter main forte à ses compagnons ? J’ai également été un peu gênée par le fait que, suivant la situation, le groupe d’aventuriers privilégiait tantôt l’honneur (en se mêlant de conflits qui ne les concernent pas), tantôt la mission (en ignorant les exactions de détrousseurs). Cette dualité s’accorde assez mal avec les hautes qualités supposées des aventuriers.

Malgré toute ma bonne volonté, je n’ai donc pas réussi à vraiment plonger dans cette odyssée. Malgré ses qualités historiques, son côté fantastique et ses abondants rebondissements, j’en retiendrai surtout un texte peu naturel, qui a rendu ma lecture fort laborieuse.

Editeur : Midgard
Année de publication : 2013
Nombre de pages : 419
Langue originale : Français
ISBN 13 : 978-2-36599-032-5
ISBN 10 / ASIN : 2365990320
Prix : 15,50
Devise : €
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