Comme l'indique Joël Champetier dans l'éditorial qui présente ce numéro de Solaris, la tonalité est franchement fantastique, sauf en ce qui concerne les articles de fond. En regardant cela de plus près, voici les fictions:
L'oiseau de fer de la rue Norman, d'Esther Rochon : Un jeune homme velléitaire et rêveur assiste un soir à d'étranges recherches, auxquelles il ne songe pas vraiment à participer. Cette écrivaine québécoise à la plume élégante et originale est malheureusement à peu près inconnue en France, et trop rare dans la revue. Que ceux qui la connaissent se jettent sans hésiter sur cette perle de poésie au fantastique discret, et que ceux qui ignoraient jusqu'à son nom mesurent ce qu'ils perdaient !
Disparition, de Mathieu Croisetière : Certes, la disparition d'une tondeuse à gazon ne semble présenter aucun mystère, et David hésite même à la déclarer à la police. Malheureusement pour lui, ce n'est que le début de ses ennuis.
La façon dont la réalité d'un homme banal dérape est savamment graduée, et parfaitement gérée par un auteur dont le nom est à retenir par les amateurs du genre.
Le chemin délesté, de Frédérick Durand : Depuis qu'Emma est morte, Antoine va mal. Jusqu'à faire une tentative de suicide. Jusqu'à être incapable de travailler par manque de capacité de concentration.
Cette courte nouvelle est bellement écrite, mais j'ai trouvé la fin un peu brève.
Commensalisme, de Sébastien Chartrand : Ce n'est pas parce que les adultes ne voient pas un parasite psychique qu'il n'existe pas, et son hôte même peut avoir du mal à mesurer sa force.
Ce bel hommage au Horla, de Guy de Maupassant, passe délicatement du fantastique à l'horreur.
Les Mystères d'Innsmouth, d'Yves Meynard : Le narrateur, un homme solitaire et introverti, est attiré par une jeune femme qui souhaite jouer à Innsmouth Mysteries, un jeu de plateau inspiré de l'oeuvre de Lovecraft. Pour se rapprocher d'elle, il achète le jeu et va à Québec pour participer avec elle à une partie.
Autre hommage, à Lovecraft cette fois, par un auteur que les fidèles de Solaris apprécient sûrement déjà, et l'une des meilleures nouvelles de ce numéro de la revue.
Génétique, transgénèse, transhumanisme : quand la SF souligne les enjeux sociaux avant que la science ne les suscite, de Sébastien Chartrand, montre que si la SF, comme son nom l'indique assez, se fonde sur les découvertes scientifiques de son temps, elle évoque souvent à l'avance leurs conséquences. C'est notamment le cas pour les possibilités offertes par les biotechnologies actuelles. Que l'on pense au clonage, aux chimères, à la sculpture du vivant, voire jusqu'à la parthénogenèse, des romans ou des films de SF ont mis en scène les sociétés possibles où ces techniques seraient employées de façon plus ou moins courante. Or, certaines de ces productions culturelles, devenues des classiques, font partie intégrante du bagage plus ou moins inconscient des scientifiques actuels. Un article bien argumenté et intéressant.
Miroir, miroir, dis-moi... où sont les plus grands télescopes du monde, de Mario Tessier, expose l'histoire des télescopes, et surtout la quête persistante de la plus grande taille possible afin de recevoir le plus grand nombre de signaux, le plus clairement possible. Comme d'habitude avec Les Carnets du Futurible, c'est remarquablement exposé et documenté. Quand même, à un certain moment, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que toutes ces histoires de rivalité quant à la taille des objets était vraiment typiquement masculine...
Enfin, les rubriques critiques habituelles, de films ou de livres, sont à leur place habituelle, à la fin de la revue, et aussi intéressantes que d'habitude, même si le fantastique s'y taille là aussi la part du lion, surtout en ce qui concerne les livres.