L'auteur de cette biographie, spécialiste des Etats-Unis, notamment sous l'angle de leurs présidents et de la fonction présidentielle elle-même, a choisi de livrer au public français une biographie politique du trente-cinquième président des Etats-Unis. On ne trouvera donc pas ici le récit complet de ses (nombreuses) liaisons, ni d'ailleurs le détail de son assassinat, sur lequel se clôt le livre.
Ceci posé, et même si ce choix peut sembler aride au départ, cette biographie se lit comme un roman. C'est très bien écrit : outre qu'il est évident que l'auteur maîtrise parfaitement son sujet (on trouvera d'ailleurs une bibliographie impressionnante en fin d'ouvrage), le nombre de notes est assez limité pour ne pas lasser le lecteur obligé à des renvois constants, mais suffisant pour ne pas le laisser dans le doute quant à certaines habitudes et contraintes exclusivement états-uniennes. De façon générale, Vincent Michelot sait transmettre à son public la complexité du fonctionnement de la politique et de la forme de gouvernement des USA, qui sont totalement différentes des nôtres, sans le noyer, mais sans lui éviter non plus les éléments importants. En l'occurrence, c'était d'autant plus nécessaire que même si l'époque n'est pas si loin de nous, le lectorat, surtout jeune, n'est pas forcément au fait de son atmosphère (guerre froide, Vietnam, Cuba, ségrégation raciale...) ni bien sûr des incidents potentiellement graves qui l'ont marquée.
Sur tous ces points, on voit la position du sénateur du Massachusetts, puis du président, confronté, notamment en ce qui concernait les droits civiques (ceux des américains blancs pauvres, autant que ceux des afro-américains), à un Congrès de majorité très conservatrice et où il était constamment bloqué. L'auteur ne nous épargne pas non plus les ambiguïtés de quelqu'un qui était né dans un milieu plus que favorisé, et dont l'on pouvait redouter l'anti-communisme primaire, mais qui a néanmoins réussi à négocier finement avec Kroutchev, et qui a fait campagne aussi dans un Etat où la pauvreté était désolante, puis a fait tout ce qu'il pouvait pour y remédier.
En somme, loin de la "légende dorée", de la "chanson de geste", du mythe Kennedy, on a là une biographie à la fois sérieuse et passionnante d'un homme qui savait qu'il n'aurait guère de temps pour laisser sa marque, étant gravement malade depuis toujours, qui a passé sa vie à viser la présidence, qui a inventé une nouvelle forme de campagne électorale, et qui a laissé sa marque (volontairement ou non, consciemment ou non : son assassinat a joué un grand rôle à cet égard) dans l'histoire de son pays, et du XXe siècle en général.