Une société internationale embauche une équipe avec à sa tête le glaciologue David Bryne afin de tester sa nouvelle "foreuse" glaciaire dans les conditions exigeantes du Nord Arctique. La station ALERT accueille l'équipe de David, ainsi que les membres permanents qui la font fonctionner. Scientifiques et techniciens sont de plus ou moins anciennes connaissances, et des liens d'attachements se sont noués autrefois.
Peu avant le début des essais le Pr Byrne décide de faire un tour en moto neige et découvre une statue de glace étonnante, puis une lueur pourpre. De son côté, la station McMURDO, basée en antarctique, reçoit une transmission du professeur hachée mais globalement compréhensible... la même que sa consoeur du pôle Nord. La stupeur s'intensifie quand Faye se "matérialise" à quelques kilomètres de McMURDO (pôle Sud) au moment où elle traversait le rideau rouge sur le chemin de retour à la station ALERT.
Ces évènements ont une explication logique : il s'agit d'un portail quantique vers tout un monde souterrain. La majeure partie de l'équipe de test est d'ailleurs accueillie par Sharula, l'ambassadrice du peuple d'Agharta. Ils découvrent alors une civilisation inconnue d'une richesse et d'une sagesse inégalées. Leur venue n'est pas anodine, ils sont les "éons", les élus chargés d'avertir la Terre de sa fin imminente
Le choix du titre d'Agharta n'est pas un hasard. En effet, le mythe d'Agharta - ou la Terre Creuse - est d'origine amérindienne. Il s'agit ni plus ni moins d'un monde souterrain s'étendant sous la quasi totalité de la Terre. La capitale en est la fameuse Shambhala. Le Royaume d'Agharta est aussi à la base de la théorie affirmant que l'intérieur de la Terre n'est pas uniquement composé de matière solide, mais aussi d'océans, de masses de terre auxquels on peut accéder par des entrées présentes au pôle Nord et au pôle Sud, où à travers de profondes failles de la surface de la planète. Ce n'est pas la première fois qu'est abordée la théorie d'un continent souterrain.
Dès l'antiquité, cette possibilité a excité l'imagination de l'homme de plume. Dans un passé plus récent, le lecteur a pu suivre les aventures pittoresques du professeur Lidenbrock dans Voyage au centre de la Terre de Jules Verne - ou pu en voir une de ses multiples adaptations. Déjà, il s'agissait d'une expédition scientifique menée non par un glaciologue mais par un géologue. La caution scientifique est présente chez les deux auteurs. Si Verne s'amuse dans son récit, ce n'est point le cas d'Arnaud Pontier. L'auteur enveloppe son histoire d'un lourd arrière plan scientifique - lourd car il faut pas moins de quarante pages pour enfin entrer dans le sujet. Il faudra d'ailleurs m'expliquer en quoi l'albédo (coefficient de réfraction de la lumière) influence la vitesse du vent Certes, il est nécessaire dans la science-fiction de fournir une caution scientifique qui ancre le récit dans la "réalité", qui lui confère sa vraisemblance : des auteurs s'en font une spécialité en hard-SF. Pour ma part, je n'ai pas trouvé cela concluant. L'association de cet univers scientifique et de cette mystérieuse civilisation jamais observée jusqu'alors ne fonctionne pas. Il y a un déséquilibre avec l'utilisation de ce mythe.
Une fois cette réserve émise, l'intrigue est captivante. La fin de la Terre est synonyme de fin de l'humanité, le temps est donc compté. Les enjeux et le danger sont présents, et l'auteur parvient à transmettre une partie de l'oppression et de l'angoisse de ses héros. Sur ce plan, le roman est réussi. Arnaud Pontier évite bien des clichés et des pièges qui auraient rendu son histoire tout à fait quelconque. Les réactions et les comportements des protagonistes sonnent justes dans un tel contexte. Le lecteur assiste et finalement prend part à cette "fin" de monde. Les personnages sont nombreux et bien écrits (j'ai un faible pour Sharula, et Faye). Point de fantaisie en ce qui concerne le peuple aghartien : ils sont a priori d'origine humaine puisque les unions entre humain et aghartien sont fécondes, et je n'en dévoilerai pas davantage
Quant au fond, souvent indispensable dans un récit de SF, rien de novateur. Toutefois, j'émettrai encore une petite réserve. Globalement, Arnaud Pontier mène une réflexion sur la nature humaine, la tolérance et l'autre. Il nous fait part de ses idées à travers ses personnages et son histoire. Le champ d'étude est si vaste que les différents points de vue sont toujours intéressants. Or, le professeur Bryne, censé être un libre penseur, un cartésien propre à faire son opinion par soi-même, livre des analyses débouchant sur des poncifs tel que "l'homme détruit son monde de plus en plus vite, irrémédiablement. Aucun progrès de la science ne réparera les dégâts ". Ce consensualisme sur la nature humaine et son influence néfaste sur l'écosystème est un poil rabattu voire rebattu (et même un peu trop consensuel à la fin).
Bref, une fois le récit lancé, le lecteur prend un réel plaisir à suivre le destin de l'équipe d'humains, des aghartiens et des selkies. Un space-opéra bien écrit et intelligent, made in France.