En compagnie de Doyle, nous arrivons, en calèche, un moyen de transport qui vous donne un mal de dos du tonnerre, dans la ville de Lake Providence, en Louisiane, en Janvier 1863. Doyle est un homme déjà sur le retour, franchement décati, et la première chose qu'il fait en arrivant, c'est de voir le médecin. Ses yeux s'illuminent soudainement lorsqu'ils aperçoivent la réserve de morphine du docteur de la ville, mais celui-ci ne lui prescrit que du laudanum.
Qu'à cela ne tienne : Doyle noie vite son chagrin dans le bar local, sans y être accompagné par la moindre donzelle, et c'est de nuit qu'il va forcer le cabinet du docteur, pour lui piquer toute sa morphine avec la plus grande avidité. Car il semble bien que le whisky et la morphine soient bien les seules substances qui arrivent encore à éveiller un tant soit peu l'intérêt de cet homme, qui demeure d'une grande tristesse et qui ne respire franchement pas la santé à plein nez...
Pour savoir ce qui lui est arrivé, il suffit de remonter dans le passé, du temps où il était un soldat, en charge d'abattre un général. Pour l'abattre, cela a été fait. Mais le jeune Doyle a commis l'irréparable à l'époque, en tirant au moment où la petite fille du général était dans la ligne de mire également. Au lieu de faire une victime de guerre, Doyle en a fait deux, dont cette petite fille.
On pourrait se dire que le temps finirait bien par faire son oeuvre et faire oublier cette petite. Que nenni. Depuis ce temps, Doyle voit le fantôme de la petite fille en question le poursuivre sans relâche, un trou béant dans la poitrine. Il n'y a depuis ce temps que l'alcool, et surtout la morphine, pour faire disparaître momentanément ce spectre. Mais s'il est présent, c'est bien encore pour quelque chose, non ?
Virginia sera un triptyque à paraître intégralement chez Casterman, dont les auteurs, Benoît Blary et Séverine Gauthier, nous livrent le premier tome ici. La couverture nous montre, avec de jolis détails, le fameux Doyle, déjà vieilli, à côté de cette petite fille, et d'un grand nombre de fantômes d'anciens soldats, que nous ne croiserons d'ailleurs pas dans ce tome. Une couverture relativement énigmatique, aux couleurs pastel reposantes, qui n'est pas sans éveiller la curiosité.
Et la claque graphique se trouve à l'intérieur ! Le dessin d'une grande finesse, et les couleurs de Benoît Blary, font terriblement mouche : il suffit de jeter un il sur cette case qui représente la pièce du docteur, vue de haut, et tous ces détails, pour se dire que oui, on tient là un livre d'une grande précision graphique. Et puis, on atteint les planches qui font office de flashback, procédé encore une fois utilisé, et encore loin d'être galvaudé...
Ces scènes du passé sont représentées avec de magnifiques crayonnés : une technique totalement différente des aquarelles visibles en 1863, et qui donnent par ce biais une lisibilité et une compréhension sans aucune difficulté pour le lecteur. Le livre donne en tout cas une extraordinaire impression d'osmose entre le dessinateur et Séverine Gauthier, scénariste de cette nouvelle histoire.
Un premier tome parfaitement réussi en tout cas, qui représente une sacrée surprise assez inattendue, et qui n'est pas sans éveiller la curiosité pour la suite que l'on espère rapide !