Ayerdhal, que j'ai connu un peu par hasard en arpentant les allées SF de ma bibliothèque de quartier, signe ici la suite plus ou moins directe de La Bohème et L'Ivraie, roman qui a permis d'installer le concept de l'homéocratie.
Sur Melig, une planète homéocrate, un haut fonctionnaire se fait tuer. Anthelm Lax y est alors envoyé afin de prévenir toutes velléités indépendantistes et tenter de déjouer un complot, si complot il y a. Bien qu'il note des irrégularités dans le fonctionnement de cette province, la rébellion ne s'expose pas au grand jour et rien n'indique une quelconque envie d'indépendance.
La deuxième nouvelle Pollinisation, nous amène sur Marycia, une planète en cours de terraformation, où l'argent n'a que peu de valeur et où les Maricyans n'ont aucune autre volonté que de vivre en paix loin de l'homéocratie. On y suit Yoon et Natyfa dans leurs quêtes. Je n'en dis pas plus, j'y reviendrai un peu tard dans la chronique.
Je vais être franc et vous dire qu'il vaut mieux avoir lu La Bohème et L'Ivraie, cela va vous donner une meilleure image de l'homéocratie et des tenants et aboutissants de l'histoire. Ceci dit la lecture de ce recueil de deux novellas reste tout à fait possible et accessible.
Je suis resté un peu sur ma faim avec La troisième lame. J'aurais aimé que cette histoire soit davantage étayée et étirée. J'y ai vu la critique de la société actuelle, société trop endormie pour se rebeller. J'ai vu le message anticolonialiste, j'ai vu aussi la critique d'une société qui a envie de se révolter mais n'a véritablement envie que de révoltes passives sans combats, sans guerres, sans morts. Je pense sincèrement que cette histoire a un potentiel énorme, mais encore une fois je la trouve trop courte, il y a trop dellipses temporelles, les scènes senchaînent trop vite. Ceci dit, le message derrière est une merveille de justesse. Pour ceux qui pensent qu'une révolution pacifiste durable est jouable, le message va vous plaire. Il est question, ici, de manipulation politique, une classe politique corrompue qui joue de leurs intelligences et aptitudes pour se libérer du joug de l'homéocratie.
Là où ce livre m'a le plus touché, c'est avec Pollinisation.
Cela reste pour moi la meilleure histoire qu'Ayerdhal ait pu écrire. L'histoire traite de naturalisation, terme qui porte ici un double sens. C'est une histoire d'amour nonchalante bercée aux rythmes des abeilles, des rivières, des canoës cachés sous les arbres et d'une aventure initiatique, racontée ici du point de vue du maître et non pas de l'élève.
Le plus important dans cette nouvelle, c'est la vision extrêmement réaliste de la colonisation d'une planète. Colonisation qui prend un sens noble et pur, le sens où on encourage la mixité des Hommes, des plantes, des abeilles. La terraformation passe par les abeilles, qui seules peuvent assurer la pollinisation de la planète. Et je trouve cette idée merveilleuse.
C'est une histoire qui m'a touché, une histoire dénuée de grands moments lyriques inutiles et qui laisse la place à une fable humaine et profonde.
Bref, si La troisième lame m'a un peu laissé sur ma faim tant il y avait de choses à faire avec cette histoire, avec cette idée même, la seconde nouvelle Pollinisation m'a prouvé encore une fois que la beauté peut surgir de partout. Merci Ayerdhal.