Les Chroniques de l'Imaginaire

Je me suis bien amusé, merci ! - Guillon, Stéphane

Stéphane Guillon, humoriste caractérisé par des portraits acides et dérangeants, a été aussi chroniqueur dans la matinale de France Inter de janvier 2008 à juin 2010. Trois jours par semaine, il venait amuser l'auditeur avec des billets d'humeur ou des portraits d'invités qui passaient ensuite dans les mains de ses collègues journalistes. Seulement, nous sommes dans une période particulière. Les grands patrons de l'audiovisuel sont maintenant nommés par le chef de l'État, Nicolas Sarkozy. Et on se doute que si les postes sont maintenant attribués ainsi, c'est pour avoir un droit de regard sur ce qui se passe sur des chaines de télévision ou ces radios d'État. Sans le dire officiellement, bien entendu. Si les hommes politiques étaient francs, ça se saurait depuis le temps quand même. Bref, Stéphane Guillon, à qui on avait proposé une chronique en toute liberté va découvrir les joies de la censure sans avoir l'impression d'y toucher.

Stéphane Guillon raconte, avec son talent et son ton grinçant, cet épisode de sa vie qui ne fut pas drôle tous les jours (je pense notamment à cette fois où son épouse et lui furent dans le doute de se faire rattraper par des tunisiens avides de vengeance). On connait la fin, son éviction, et pourtant on est suspendu à ses mots pour savoir comment tout cela s'est passé. Enfin, comment lui voit les évènements de son point de vue. Oui, Stéphane Guillon veut rétablir la vérité… sa vérité. Mais on sent parfaitement le parti pris évident et inévitable dans ce genre d'exercice. Les anti pourront le mettre en avant et les pro en faire abstraction, mais c'est tellement flagrant et tellement normal dans ce contexte, que personnellement, j'ai fait avec sans me prendre la tête pour autant. Si je veux lire la version des autres protagonistes, je suis un grand garçon et suis donc capable d'aller chercher les livres et les articles de presse correspondant. Bref, passons.

Personnellement, je n'aurais pas forcément classé ce livre dans la collection "Humour". C'est certes amusant par moment, parce que même en relatant un épisode douloureux Stéphane Guillon essaye d'en faire quelque chose de comique, mais c'est plus une histoire triste sur ce qu'on est encore capable de faire en France dans la fin des années 2000. Nous qui nous targuons d'être une grande démocratie, nous qui savons si bien donner des leçons aux autres pays sur leur manière de se comporter, nous qui sommes si fiers des inscriptions sur les frontispices devrions pourtant avoir honte de ce que les hommes de pouvoir peuvent faire. Et pas que les hommes de pouvoir d'ailleurs. Liberté… du moment que ça dérange pas trop les intérêts des financiers. Égalité… si t'es blanc, catho et avec de la thune. Fraternité… euh, ça veut dire quoi ce mot ? Bref, cette histoire raconte bien ce qu'on est encore capable de faire dans un pays dont la culture revendique la liberté et la révolution. C'est choquant mais vraiment pas étonnant.

Au final, je retiendrai une volonté de l'auteur de faire chier son monde avec classe jusqu'au bout. Certes, il n'était pas à la rue si on lui enlevait ce job, mais tout le monde ne l'aurait pas fait non plus. Et je retiendrai aussi qu'heureusement que nous avons encore des grandes gueules pour s'élever contre la connerie, même celle de leurs confrères. Ça évite de trop s'enliser et de devenir encore plus cons qu'on ne l'est déjà.

Moi aussi, Je me suis bien amusé, merci !