A la fin du vingtième siècle, les dieux se sont réveillés. Onless, le maître des océans, oublié dans les abysses, déchaîne les éléments. Il lance une vague purificatrice sur les terres habitées de notre planète. Deux kilomètres d'eau s'écrasent sur les continents et recouvrent la quasi totalité de la surface émergée terrestre. Les dieux punissent, ainsi, les siècles de ravages et de destructions des humains.
Mais c'était là oublier l'intelligence et la capacité d'adaptation des hommes. Les terres ne sont plus viables, les profondeurs aquatiques le deviendront. Les premières colonies sous-marines sont installées en Extrême-Orient, lieu du renouveau de la civilisation humaine.
Cela fait presque trois cents ans que le cataclysme a eu lieu. Les humains se sont redéveloppés sous l'eau. La technologie et les découvertes génétiques ont permis à l'humanité de se retrouver comme un poisson dans l'eau, de construire des nations, d'établir des échanges, de relancer des guerre et de redémarrer la conquête spatiale.
Le monde se décompose en plusieurs pays sous-marins possédant chacun leur identité et caractéristiques propres. Les emplacements de ces nations correspondent, à peu près, à ceux de leurs ancêtres. Les eaux des pôles sont, par ailleurs, devenues habitables.
Il reste quelques terres émergées, peuplées des malheureux survivants du courroux des dieux. Redevenues primitives et pas exemptes de mutation, ces peuplades sont réduites en esclavage par l'humanité. Cette main d'oeuvre gratuite et jetable est tellement utile dans les mines de propergol (la nouvelle énergie) que le clergé abyssien la qualifie de cadeau des dieux.
Le chaos règne sur terre mais la situation n'est pas forcément idyllique dans les villes aquatiques où la violence, la promiscuité, la corruption et la piraterie rendent la vie particulièrement oppressante. Le pire, c'est que des personnages joueurs se baladent parmi la population sous-marine... Bienvenue dans Subabysse !
Cette huitième édition de Subabysse de Yan Bourget est la première professionnelle. Elle a pu profiter d'une importante souscription sur Ulule qui a permis à Ludopathes de publier un ouvrage luxueux, tout en couleurs, joliment mis en page et magnifiquement illustré avec des filles, des gros nichons et des tentacules.
Le livre commence par l'habituelle description de l'univers et de son histoire. Ce chapitre est plutôt bien construit et permet d'avoir un aperçu sur le monde, les nations et les grands thèmes comme la religion, les mutants, les pirates, etc. Du haut de ses vingt pages, cette section manque, toutefois, de profondeur et laisse nombre de questions sans réponse. De plus, j'y ai trouvé quelques incohérences ou bizarreries. L'origine religieuse de l'apocalypse me laisse perplexe et pourquoi avoir changé les noms des périodes temporelles (avec une jolie coquille) si ce n'est pas pour les utiliser à chaque fois et ralentir la lecture ? Les informations réduites sur l'univers laissent, certes, une large liberté au MJ mais en contrepartie d'un travail certain, évidemment.
Arrive ensuite la grosse section consacrée à la création des personnages. La construction d'un acteur est un mélange de hasard (jets de dés) et de choix. Vingt et une classes de personnages sont à la disposition des joueurs. Le choix est complet et varié. Par ailleurs, la plupart des classes possèdent un certain nombre de spécialisations. Ensuite, les qualités et défauts achetables permettent de personnaliser les aventuriers et seront source de franches rigolades en jeu. Les règles de création sont facilement assimilables et les pré-tirés à disposition sont, pour une fois, utiles.
Par contre, créer un personnage demande trop de temps même pour des joueurs expérimentés et il manque un plan de création clair car il est trop souvent nécessaire de devoir faire des aller-retours entre les sections qui ne sont pas toujours placées dans le meilleur ordre.
Les personnages fraîchement créés dégageront une impression de puissance qui risque vite de se retourner contre les joueurs...
Le troisième chapitre est celui des règles de jeu. Le système de base utilise des dés 100. Il faut faire un résultat inférieur ou égal à la somme des scores de caractéristique (physique, force mentale, technique, habilité et chance) et d'aptitude (diverses compétences) avec bonus/malus. Les combats se déroulent de manière habituelle, la gestion des dommages est intéressante (un personnage n'a pas un total de points de blessure, sa survie dépend de la gravité des dégâts reçus), la génétique est bien développée et simple à utiliser. En outre, l'auteur met à disposition un mécanisme bienvenu nommé les perles du destin qui fonctionne à la manière des points de fortune et de destin de Warhammer.
Les autres sous-sections sont plus anecdotiques et assez peu intéressantes (la séduction, l'armée, la police,...). Puisqu'on joue sous l'eau, nous avons également droit à de nombreuses règles aquatiques (gestion de la pression, du froid, des combats et déplacements sous-marins,...). Le système n'est pas compliqué et ne demande que peu de temps avant d'être maîtrisé.
Le problème est qu'il exige trop de jets de dés (des interruptions dans le récit et une perte de temps) et beaucoup d'attention de la part des joueurs pour emmagasiner l'expérience. Malgré sa simplicité relative, le système de règles m'a l'air daté et manque de souplesse.
Le chapitre suivant est un inventaire de matériel (armes, combinaisons, aquajets), illustré et utile.
Enfin, le dernier chapitre regroupe six scenarii peu développés mais qui pourraient servir de base libre. Le point fort de cette section concerne les cartes et les plans mis à disposition (dans le livre et comme aides de jeu à part). Le problème est que ces gros synopsis manquent souvent de vraisemblance, que les intrigues sont assez simplistes et qu'on se retrouve devant les éternels déclencheurs de scénario que les personnages ne peuvent éviter bien qu'ils voient venir le piège à cons depuis les profondeurs des abysses.
Subabysse est l'oeuvre réussie d'un passionné, cela se voit à la lecture. Néanmoins, on remarque vite qu'il reste encore quelques détails à fignoler. Il manque un bestiaire, des exemples de profils de PNJ, une dernière relecture (il reste trop de coquilles), un placement plus judicieux de certaines sections, un récapitulatif des nombreux tableaux qui parsèment le livre et, c'est inexcusable, un index.
Un autre point négatif vient de la légèreté de l'univers qui pourra, par exemple, être comblée par la créativité du MJ ou, bien sûr, par la sortie des suppléments à venir.
Avant de clore cette chronique, il est difficile de ne pas parler de l'autre jeu de rôle post apocalyptique et aquatique francophone : Polaris. Les univers sont proches tant dans leur histoire que dans leur redéveloppement. Néanmoins, il y a plusieurs différences majeures. Premièrement, Polaris se veut bien plus complet, sérieux et scientifique, au contraire de Subabysse qui est léger, amusant et plus simple.
On est loin de la complexité de Polaris, surtout dans les règles et dans leur exhaustivité. Le jeu de Bourget demande moins d'investissement de la part des joueurs et maîtres, ce qui est, lorsqu'on n'est pas absolument passionné par les océans et qu'on manque de temps, un bon point. Il est aussi beaucoup plus abordable sans être basique et se prend moins au sérieux. Les deux jeux se valent. Je pense que c'est la volonté d'investissement personnel du MJ qui déterminera le choix.
En conclusion, Subabysse est un jeu accessible dont les aventures se déroulent dans un univers dépaysant, captivant et varié. Il n'est pas exempt de défauts et ses règles sont lourdes mais il a du potentiel et vous fera passer de bonnes soirées avec vos joueurs. Par contre, je ne le conseille pas à des débutants.