Tristessa est si belle. L'indienne morphinomane et maigre comme un clou illumine la rue quand elle y marche. Sa démarche chaotique devient balancement gracieux. Tristessa porte bien son nom. Jeune prostituée, elle traîne sa misère dans un Mexique à la hauteur de sa vie. Et puis lui. Lui qui l'aime sans la toucher. Lui qui partagera son errance et ses souffrances. Il la suivra ainsi. Donnant un sens à sa vie et à sa mort...
Je ne sais comment décrire mieux ce roman/nouvelle qu'en disant : " C'est du Kérouac ! ". Oui, c'est un peu facile, mais les fidèles s'y retrouveront. Toujours donc ce côté décalé, ces phrases tantôt interminables, tantôt interminées, et cette sorte d'extravagance qui qualifie le travail de l'auteur.
Les personnages bien qu'assez mystiques restent d'un réalisme effarant, voire même effrayant. Tristessa est criante de vérité, tout en résonnant comme une madone oubliée, salie, mais lumineuse. Le narrateur est aussi bancal. On n'arrive pas réellement à le définir, ni à savoir ce qu'il cherche, ce qu'il attend.
La conception du temps qui passe est elle aussi complètement déformée. Une heure, une nuit, une semaine, on ne sait pas réellement, tout comme les personnages ne semblent pas vraiment savoir non plus. L'oubli dû à l'alcool certainement, ou à la drogue.
Il y a également une grande interaction entre les hommes et les animaux. Un peu comme si Kérouac les mettait sur un pied d'égalité, rabaissant l'homme bien plus qu'il ne donne de la valeur aux animaux.
Enfin c'est pourtant bien la solitude qui domine cet ouvrage. La solitude au milieu des autres. Cette solitude imposée par l'alcool et la drogue. Cette solitude imposée par cet amour non charnel. Malgré tout, cette nouvelle reste d'une grande poésie, et empreinte d'une certaine douceur.
Un agréable moment, mais malheureusement pas accessible à tous. Une nouvelle fois Kérouac reste un auteur à part dans un monde à part, auquel chacun est libre d'adhérer ou pas.