Les Chroniques de l'Imaginaire

Lothar blues - Curval, Philippe

L'Europe est dirigée depuis Bruxbourg, les pays que nous connaissons ayant à leur tête des gouverneurs. Dans cette société, plus personne ne travaille, sauf les condamnés de droit commun, tout le travail étant accompli par les robots.

Noura M'Salem, créateur bien connu d'envirtuels, a récupéré contraint et forcé Lothar, le simili qui l'a élevé. Car dans ce temps pas si loin de nous, l'éducation des enfants, que les parents ne savaient plus assumer, a été confiée à des robots vaguement humanoïdes. Or, après la disparition des parents de Noura, celui-ci avait été confié à son parrain, Ion Cuzna, directeur du théâtre de Iasi, en Moldavie, tandis Lothar s'était retrouvé au garde-meuble pour vingt ans.
Quand le vieux simili a une défaillance, Noura l'apporte à réparer à Sylvain Borodine, sorte de génie de l'inforganique, dont l'obésité lui interdit de se déplacer sur ses deux jambes. En sortant de chez Borodine, Noura et Lothar sont séparés par les circonstances, et cela va induire chez chacun une évolution totalement imprévue... par eux, en tout cas.

La peinture que fait Curval de notre société actuelle et de son évolution possible, avec les conséquences qu'une telle évolution pourrait entraîner, est crédible, comme les développements technologiques qui mènent à une place de plus en plus grande prise par des robots dans notre société. Partant de ces prémisses, il est logique que se pose à un moment donné la question de la différence entre l'homme et la machine pensante, et du possible conflit dans leurs rapports. C'est sûr que ce n'est pas un thème neuf dans le genre, mais il est bien traité.
Peut-être trop bien. En effet, j'ai eu l'impression à la lecture que tous les personnages manquaient d'humanité et de profondeur, ce qui est peut-être normal dans une société où les limites s'estompent entre organique et inforganique, mais qui m'a détournée de m'attacher à eux. Par ailleurs, certains développent à un certain moment, et pour des raisons finalement peu décrites, des capacités que l'on a davantage l'habitude de voir en Fantasy qu'en SF (je pense au personnage de Skylee, par exemple, mais pas seulement).

Les amateurs du genre apprécieront certainement le nombre de références qui l'émaillent, à commencer évidemment par Asimov et les trois lois de la robotique, avec lesquelles Curval joue brillamment. Les lecteurs plus jeunes ou occasionnels pourront aimer la peinture de cette Europe à la fois unie et éclatée. Tous auront le goût après cette lecture de lire ou relire les autres romans de l'auteur.