Les Chroniques de l'Imaginaire

Vent de mémoires (Ardalén - 1) - Prado, Miguelanxo

Nous sommes en Espagne, dans un très joli petit village perdu au milieu des montagnes. Un bar est encore là, constituant le seul commerce aux alentours, et servant notamment de refuge aux petits vieux qui viennent encore jouer aux cartes en buvant leur apéro, et en maintenant les ragots et les histoires locales. C'est dans ce contexte qu'arrive Selena, une jeune femme, qui entre et commande un café, alors que tous les regards se tournent vers elle.

Selena explique à Célia, la propriétaire du bar, qu'elle a fait tout ce chemin pour avoir des nouvelles du grand-père qu'elle n'a jamais connu. Elle dit avoir perdu depuis longtemps toute trace d'une bonne moitié de sa famille, et elle sait que son grand-père venait de la région, et qu'il était parti faire fortune en Amérique du Sud dans les années trente. Alors, avec ces indices, elle espère que des discussions pourront l'aider dans ses recherches.

Les locaux ne sont pas vraiment loquaces dans un premier temps, mais au grand désespoir de Tomas, un vieil homme à l'air toujours sévère et qui voit un peu trop le mal partout, un vieil homme lui parle de Fidel, un grand-père qui vit seul depuis bien longtemps dans une maison un peu plus haut dans la montagne. Un homme qui, paraît-il, a mis les pieds dans la moitié des pays du globe, ancien marin qu'il était...

Toute heureuse d'avoir un espoir auquel s'accrocher, Selena part à la rencontre de Fidel. Sa première visite se passe bien, même si elle se rend compte que Fidel tient des propos parfois sans grande cohérence... Le vieil homme affable dit ne pas avoir connu le grand-père de Selena, mais les souvenirs pourraient encore revenir, au fil des jours où s'installera une vraie complicité, qui n'est pas forcément bien vue de tous les vieux du village, Tomas en tête...

Miguelanxo Prado, célèbre et talentueux auteur espagnol, nous pond là un véritable bijou. Sur la forme tout d'abord, la couverture de l'ouvrage est tout simplement magnifique, et le livre en impose vraiment avec ses plus de 250 pages... Un pavé qui renferme ainsi des pages absolument merveilleuses...

Tout d'abord, il n'est pas une expression dans ce livre qui ne soit soignée à fond : le visage de Fidel est vraiment un miroir de ce qu'il ressent, et même si l'homme n'a plus vraiment toute sa tête et qu'il raconte même les souvenirs d'autres personnes qu'il a connues dans une vie très riche, on ne peut s'empêcher de s'attacher à un être qui a eu une vie extrêmement riche et qui n'en a maintenant que des fragments qu'il a un mal fou à remettre dans l'ordre.

Et le talent graphique de Prado n'est nullement étranger au succès de ce livre... En plus des expressions, on aura droit ici à de superbes décors de montagnes, et à des antagonismes vraiment étonnants ! Il ne sera pas rare de voir de magnifiques poissons traverser le salon, pour mettre en avant le côté délirant de toutes les apparitions qui accompagnent sans cesse Fidel... Ainsi, un salon se voit brusquement transformé en fond marin du plus bel effet, sans que cela ne gêne le moins du monde la lisibilité.

Une vraie poésie, vraiment rarissime dans le neuvième art, se dégage de ce livre, qui est et restera, à n'en pas douter, une des plus belles sorties de cette année 2013.