Les Chroniques de l'Imaginaire

Cinder & Ashe - Conway, Gerry & Garcia-Lopez, José Luis

La Nouvelle-Orléans, au printemps, de nuit. Une femme, chemisier et jupe droite, franchit les grilles d'un cimetière. Plus loin, une bande de motards l'attend. La femme, une métisse asiatique aux cheveux roux, amène de l'argent qu'elle doit échanger contre une femme. La femme d'un certain Kaplan. Mais quand la femme lui est amenée, Cinder donne un coup de genou dans les joyeuses du malfrat qui se trouve devant elle et commence à taper tout ce qui se trouve autour d'elle. Elle est vite rejoint par Ashe, son acolyte, qui vient l'extraire de ce bourbier. Quand ils sont sur le chemin du retour, Cinder et Ashe décident de ne pas remettre sa femme à Kaplan ; la majorité des marques qu'elle porte sur elle datent de plusieurs jours, ce qui ne coïncide pas avec son enlèvement.

Bientôt, un nouveau contrat va arriver pour les deux détectives : un certain Wilson Starger, recommandé par Dan Jellicoe, compagnon de Ashe au Vietnam, veut que le duo retrouve sa fille. Elle lui a passé un coup de téléphone inquiétant. Cinder et Ashe ne savent pas encore qu'ils ont mis le doigt dans un engrenage terrible qui va les ramener quelques années en arrière. Mais cet engrenage ne sait pas non plus qu'il va avoir sur les talons de fins limiers teigneux et enragés.

Cinder & Ashe est un comic paru à la fin des années 80 chez DC. Ici, pas de super-héros, pas de pouvoirs, juste une triste et sale réalité. On navigue entre la Nouvelle Orléans et sa moiteur et l'horreur du Vietnam de la guerre. C'est dans ce pays que Ashe a connu Cinder. Finalement, il a décidé de la ramener aux États-Unis à son retour, pour lui offrir une autre chance que celle qui lui était offerte chez elle. Les flashbacks sont nombreux dans le récit pour nous raconter l'histoire de ces deux personnes qui sont des âmes sœurs, mais des âmes sœurs non amoureuses. Plutôt des anges gardiens qui veilleraient l'un sur l'autre. Ces flashbacks sont intégrés dans le récit avec des transitions habiles et parfaitement maîtrisées. On passe d'un lieu à un autre, d'une époque à une autre avec une terrible facilité, sans jamais être perdu. C'est d'une maîtrise parfaite. Et puis, le récit est déjà prenant au début du tome, mais plus on avance dans les pages, plus c'est captivant. Les différentes facettes de l'histoire nous sont dévoilées et nous accrochent toujours un peu plus. C'est vraiment du grand art.

Au niveau dessin, nous sommes dans un style de ces années-là. Le dessin des comics n'avait pas encore subi sa révolution. Mais peu importe, j'aime ce style. Il fait un peu vieillot, certaines postures des personnages sont assez improbables, mais on s'en moque. Parce que là aussi, c'est d'une grande maîtrise dont il s'agit. D'une lisibilité sans faille. Et que ce soit les décors, les mouvements, les personnages ou les émotions, José Luis Garcia-Lopez maîtrise tout à la perfection. Certains vont être un peu choqués par les couleurs (de grands aplats comme on les aimait à cette époque dans des couleurs qui ne se marient pas forcément très bien), mais c'est aussi ce qui fait le charme de ce genre de production plus ancienne. Et puis, à y bien regarder, le travail sur les couleurs dérangeantes amène aussi une ambiance particulière que l'on n'aurait certainement pas avec une colorisation moins hasardeuse. Personnellement, ça me va, et ça participe à l'ensemble du travail.

De l'eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de Cinder & Ashe. Pourtant, on aimerait bien parfois que les auteurs actuels se rappellent comment un comic était fait à l'époque. Cela leur donnerait peut-être des idées pour rendre encore plus frappantes leurs productions.