Au départ était un homme simple, d'origine allemande, dont la famille s'était installée en Estonie. Felix Kersten avait entrepris des études d'agronomie, et est devenu ingénieur. Mais sa carrière a pris un tout autre tour que celui qu'il se destinait. Un médecin lui a suggéré qu'avec de telles mains, il pourrait soigner les gens.
Kersten a donc appris les techniques de massages auprès de Finlandais. Puis, en Allemagne, il a pu perfectionner son art auprès d'un sage tibétain. Dès lors, la réputation de Kersten a vite fait le tour de l'Europe. Petites gens ou personnalités célèbres, les carnets de rendez-vous du docteur Kersten étaient complets.
Kersten était un homme simple, heureux, soucieux de faire du bien aux gens, pas de se faire de l'argent. Même s'il aimait la bonne chère et son confort, il ne faisait jamais rien au détriment des autres. Il ne se mêlait pas de politique. Aussi, lorsqu'un jour un de ses amis lui demanda de soigner le Reichsführer Himmler, sa vie bascule.
Il refuse dans un premier temps, mais se rend compte qu'il doit rendre service à son ami. Et finit par accepter. Ce qui ne devait être qu'une relation professionnelle va se transformer en bien autre chose. Himmler souffre énormément. C'est un homme froid, sans ami, voué corps et âme à Hitler. Lorsque les mains de Kersten pétrissent sa chair, il brise sa carapace. Il voit en son médecin son seul ami, la seule personne à même de soulager ses souffrances. Et Kersten va profiter de cet avantage pour demander des libérations, pour lui faire annuler des projets à l'encontre des populations...
Comme Joseph Kessel l'explique dans sa préface, cette histoire semble tellement improbable qu'elle a été épluchée sous toutes les coutures par les historiens. Force est de constater que tout cela est véridique. Des milliers de personnes ont été sauvées grâce au docteur Kersten.
Ce document est passionnant. Mené comme un roman, il met en avant la relation étrange qu'a su tisser le docteur avec son patient. Il est même assez déroutant de voir une certaine forme d'humanité chez Himmler, on préférerait ne garder de lui que l'image d'un monstre. Mais ce qu'on retient avant tout c'est le destin de Kersten, son sang-froid. Lui qui détestait les affaires politiques et appréciait sa petite vie tranquille a pris beaucoup de risques pour sauver des vies. A lire !
