Une jeune femme range quelques bouquins, fume une cigarette et se fait couler un bain. Le seul témoin de la scène est un chat qui vit dans l'immeuble, et il ne peut s'étonner de voir que la jeune femme laisse la fenêtre grande ouverte dans sa salle de bains, alors que l'hiver est particulièrement glacial cette année. Et pour cause... La jeune femme en question, Emilie, se suicide dans sa salle de bains : une mort douce et inexorable. Le cadavre ne sera découvert que quelques jours plus tard, avec cette fenêtre ouverte.
Bientôt, l'appartement laissé ainsi libre par la force des choses va trouver un nouveau propriétaire en la personne d'un artiste qui vient d'être éconduit par son ex, la mère de ses enfants. Les biens de l'individu sont sommaires, mais il a pu conserver l'essentiel : une armoire magique, possédant un miroir à travers lequel il est capable de passer ! Et derrière le miroir, tout le matériel nécessaire est bien là !
La particularité de cet hôtel est double : d'abord, le fantôme d'Emilie est toujours bien présent sur les lieux. Ainsi, Emilie ne peut parler à personne, mais elle se permet maintenant d'aller observer les habitants de l'immeuble, qu'elle a côtoyés de son vivant. Et puis, il y a ce chat... Curieusement, il s'agit là du seul être capable de tenir la conversation avec Emilie. Lui aussi passe son temps à observer les habitants de l'immeuble. Et lui aussi a vu des choses bien étranges se passer...
C'est Guillaume Sorel qui est aux commandes, totalement, pour ce one-shot paru chez Casterman. Graphiquement, c'est donc magnifique, comme à l'habitude lorsqu'il s'agit de Sorel. Les cent deux planches qui composent ce gros album sont toutes en colorisation sépia, ce qui est du plus bel effet pour mettre en valeur les traits minutieux et détaillés, et pour jouer avec les effets d'ombre et de lumière.
Un travail de fourmi, où aucune case n'est laissée au hasard, donc. Au niveau du récit, le fantastique vient dominer ce livre : on le parcourt à travers les yeux d'un fantôme, ou parfois même du fameux chat. Les personnages rencontrés vont du couple libertin (c'est un livre à ne pas mettre entre toutes les mains !) à ce personnage étrange qui parvient à donner vie à n'importe quel personnage de son imposante bibliothèque. Il y est également question d'une mystérieuse porte qui apparaît parfois, et qui fait disparaître les enfants...
Guillaume Sorel s'est amusé avec ce livre, en nous livrant quelque chose d'intimiste. Un livre qui n'est pas forcément destiné à un large public, mais plutôt aux connaisseurs et notamment aux fans de l'auteur de L'île des morts, ou encore Algernon Woodcock. Un très beau joyau : un de plus pour cet auteur !