Les Chroniques de l'Imaginaire

Camargue Rouge - Faure, Michel

Quelques années après la « conquête de l’Ouest » et les massacres des indiens, le colonel William Cody – plus connu sous le nom de Buffalo Bill – exploite l’intérêt du public en présentant un spectacle itinérant gigantesque, le Wild West Show. Ce sont des centaines d’indiens Lakotas, de chevaux et de bisons qui l’accompagnent, d’abord aux Etats-Unis puis en Europe. Suite à un problème logistique à Marseille, la troupe trouve refuge pour quelques mois auprès d’un admirateur, le marquis Folco de Baroncelli-Javon, dans son mas camarguais.
Les indiens se sentent rapidement chez eux dans cette terre de chevaux et de taureaux, cette terre de liberté. Bien vite, Mario, le bras droit du marquis, et Shania, une indienne éduquée en Europe, tombent amoureux. Mais malgré les nombreux points communs de leurs cultures respectives, les difficultés subsistent.

En s’appuyant sur un épisode historique, le séjour d’indiens Lakotas en Camargue au début du vingtième siècle, Jean Vilane a imaginé une romance qu’il a présentée sur une scène de théâtre en Avignon. Michel Faure s’est ensuite emparé de ce conte, pour le mettre en image et nous proposer une bande-dessinée qui est un vrai bijou.

Cette histoire, c’est la rencontre de plusieurs cultures, celles des indiens, des gardians et des gitans. Les indiens et les gitans se comprennent, car ce sont des minorités opprimées pour lesquelles la liberté compte plus que tout : « Les peuples gitans et lakotas ont une façon de vivre qui fait peur aux Blancs car ils vont là où le vent les pousse et personne ne peut attraper les fils du vent », dit Red Cloud.
Plusieurs personnages historiques trouvent leur place dans cette histoire, grandes figures indiennes ou camarguaises. Mais on découvre surtout dans ces pages un hommage marqué à Baroncelli, qui a droit aux honneurs de la couverture de l’album. Ce gentilhomme-gardian est considéré comme le père de la Nation Camargue. Homme exceptionnel, il sut se faire apprécier des Indiens, qui lui avaient donné le nom de Zintkala-Wasté (« oiseau fidèle »).

La romance entre Mario et Shania permet de donner un fil rouge à l’histoire, mais celle-ci est surtout l’occasion de découvrir la Camargue à travers la vision des Indiens. Au gré des paysages d’étangs et de verdure, le lecteur qui connait la région pourra reconnaître certains lieux. Mais c’est surtout le mode de vie quotidien des Camarguais qui est mis en image et expliqué au lecteur : les promenades en barque dans les marais parmi les flamants roses, les abrivados où les jeunes gens locaux peuvent se mesurer aux biou (les fiers taureaux de Camargue), le pèlerinage aux Saintes Maries de la Mer… Le tout agrémenté d’un langage local qui chante aux oreilles comme un vent de pays.

Difficile en voyant cet album de ne pas évoquer Crin-Blanc, bande-dessinée inspirée du film et du roman éponymes pour laquelle Michel Faure s’était chargé des dessins. La Camargue y était superbement présentée tout au long des pages. Vingt-cinq ans plus tard, le dessinateur nous propose à nouveau une plongée dans le delta du Rhône. Il faut avouer que les paysages ont un sacré air de famille ! Même Mario a un petit air de Folco devenu grand… Dans Camargue Rouge cependant, les dessins sont plus précis, avec des couleurs plus vivantes, pour le plus grand plaisir des yeux. Par contre, on y voit moins de planches consacrées entièrement à la nature (marais et chevaux) et plus de focus sur les personnages. L’immersion dans ce pays de ciel et d’eau reste cependant totale.

J’espérais beaucoup de cette bande-dessinée et je n’ai absolument pas été déçue : entre une histoire intéressante et des dessins magnifiques, c’est un sans-faute.