Madame Pezec enseigne le français au collège, et dans sa classe mieux vaut être silencieux. C'est ce que va découvrir Toronto, la nouvelle, qui discutait à voix basse avec Béatriz. Elles se donnaient rendez-vous pour la pause déjeuner. Béatriz fait partie d'un "club" de jeunes filles, L'ordre des petites orphelines de la "Rasta Madonna", et proposait à Toronto de les rejoindre. Elles sont à présent cinq dans le club : Sur Anggun, alias Kom Piu parce qu'elle passe son temps le nez dans son ordinateur, Sur Marie, alias Marie Potter qui lit encore et encore la saga Harry Potter, Sur Valentine qui passe son temps à fumer quand on ne le voit pas, Sur Béatriz qui a un moignon de bras en guise de bras droit et Sur Toronto, qui aurait fait de la prison. Le club n'accepte que des filles qui n'ont pas ou plus de père ; seule leur mère les élève et c'est leur singularité.
Forcément, la relation parent-enfant et surtout les griefs que les jeunes peuvent avoir contre elle ne sont dirigés que vers une seule personne, ce qui grossit la rancune. Toronto ne supporte pas que sa mère se soit mise en couple avec une femme. Anggun n'aime pas devoir constamment porter un hijab. Marie voudrait que sa mère lui lâche la grappe quand elle est dans ses livres. Valentine veut fumer sans avoir de reproches. Et Béatriz aimerait avoir un bras comme les autres. Par hasard (?), Anggun va tomber sur un site Internet, Castigo, qui propose de châtier ceux qui vous tourmentent. Même si c'est un site payant, les filles vont tenter le coup. Pour tester et voir si ça peut être vrai (même si elles n'y croient pas). Pour rigoler un peu aussi.
Mais elles ne savent pas qu'elles viennent de mettre le doigt dans un engrenage terrible qui va aller bien plus loin qu'elles ne l'auraient voulu.
Voici une nouvelle série avec un titre choc fait pour attirer ! Surtout que la couverture, d'une grande sobriété visuelle, donne tout le loisir de s'attarder sur le titre inscrit en gros caractères. Mais derrière cette manière racoleuse d'attirer le lecteur, il y a aussi une idée forte mise en musique par des auteurs de talent. Zidrou fait monter la pression, lentement, sûrement, sans jamais relâcher son lecteur dans la nature. Il sait comment ferrer le poisson et utilise sa technique avec force. On commence par des scènes de la vie courante, mais avec cette histoire de club de jeunes filles à côté. Ce n'est pas tant le club qui peut intriguer mais aussi le pourquoi de ce club. Et puis, il faut dire que la première page d'accroche est bien faite. On veut savoir comment le filles en sont arrivées là et ce qui va se passer ensuite. Je vous le répète, Zidrou sait vraiment comment avoir le lecteur dans sa poche.
À ses côtés, Benoît Ers et Ludo Borecki aux dessins. On reconnait très bien la ligne d'Ers dans le dessin. Ses jeunes filles sont reconnaissables (Les démons d'Alexia, Hell school) et sa ligne claire convient très bien à ce genre de récit. Certains auraient peut-être préféré un trait plus mature mais je peux vous assurer que ce trait-là est aussi parfait pour instaurer une tension et aborder des sujets graves. Je ne sais pas quand Ludo Borecki intervient, mais il est clair que le style d'Ers a été choisi pour avoir une ligne graphique directrice.
En tout cas, j'étais curieux de découvrir ce titre aguicheur et racoleur et je ne suis pas déçu une seule seconde. C'est tout simplement une bonne claque que je me suis pris. Et ça fait un bien fou, malgré le sujet lourd. Et, cerise sur le gâteau, le tome 2 sort dans la foulée pour avoir une série complète dès à présent.