Les Chroniques de l'Imaginaire

La geste de Jehan - Quesne, Didier

Le jour où le petit Jehan découvre, avec son père, le corps d'un Guerrier à moitié noyé sur la plage, il n'imagine pas l'importance que cet homme, qu'il surnomme Garnet, prendra dans sa vie. Car si Garnet promet, au début, au pêcheur de ne jamais enseigner son art à l'enfant, l'avenir le forcera à se parjurer. En effet, Boloc'h la Géante viendra briser leur routine quotidienne le jour où, avide de sexe et de sang, elle entre par effraction dans la masure et tente de violer Jehan. Le gamin parvient à se sauver (un véritable exploit !) et Garnet commence alors à lui apprendre à combattre. Car si Jehan est un guerrier né, la Géante a flairé son odeur, celle de son sang, et ne vivra désormais plus que pour se venger et s'approprier celui qu'elle a marqué.

Quelques années plus tard, Jehan est devenu un fier combattant et Garnet lui a même transmis son ki-brezelour, l'animal invisible que possède chaque membre de la caste des Guerriers. Le jour où Boloc'h revient, Garnet et le pêcheur succombent pour permettre à Jehan de fuir, mais celui-ci voue alors sa vie à éliminer la géante qui l'a brisée. Désormais, Jehan errera sur les routes, multipliant les combats, gagnant sa vie comme mercenaire, en quête de cette Géante qu'il veut occire et qui le traque également. Il se fera des compagnons étranges et attachants, apprendra des choses sur lui et sur les Guerriers, mais, jusqu'à la fin, demeurera seul, à moitié vivant, perdu dans cette traque qui le lie à une ennemie impitoyable et invisible.

Ce nouveau roman de Didier Quesne, après des années de silence tant de l'auteur que de l'éditeur, tranche avec les précédents. D'habitude, il s'agit de femmes guerrières, aujourd'hui, c'est un enfant, puis un homme. L'univers, également, est différent, plus éloigné du nôtre. Et l'intrigue correspond effectivement plus à une geste, montrant le chemin initiatique du jeune Jehan et ses faits d'armes, qu'à une quête ou une épopée héroïque visant à accomplir un exploit. La multitude de combats, souvent très proches, nuit à l'action et le manque d'intensification du rythme ou des enjeux accentue ce souci. En effet, si nul ne doute que Boloc'h finisse par être vaincue, un autre adversaire semblable prend alors sa place, puis un autre.

A mes yeux, le plus gros défaut de ce roman est le manque de personnalité de Jehan, et surtout, l'absence de justification et de détails des Guerriers. On découvre réellement cette caste à la fin, sans que l'on sache toutefois comment ils sont choisis et élevés, le but de leur existence, ni pourquoi, alors qu'ils sont censés protéger le peuple, ils ne le font pas. De même, la structure sociale semble peu décrite pour donner plus de consistance à l'intrigue.
Toutefois, on retrouve avec plaisir le parler pittoresque de Didier Quesne et ses descriptions poétiques qui donnent vie aux paysages et aux personnages. J'ai été bien plus intéressée par les personnages secondaires que par le héros et ses ennemis, finalement, et j'aurais également aimé en savoir plus sur le peuple de Wilfried, dont on ne sait malheureusement que peu de choses...

Bref, ce roman aurait mérité, à mes yeux, d'être densifié et complexifié pour mieux tenir le lecteur en haleine, mais il permet néanmoins de passer un bon moment et de renouer avec un éditeur et un auteur sympathiques.