Les Chroniques de l'Imaginaire

La mer de l'ombre - Livre 1 (Les 12 Royaumes - 1) - Ono, Fuyumi

Yôko est une lycéenne modèle et accommodante, qui fait de son mieux pour ne pas déplaire à sa famille très stricte, ses professeurs, ses camarades de classe. Son unique trait distinctif réside dans sa chevelure naturellement rouge, qui attire tous les regards. Quand Keiki, un étranger blond, débarque abruptement dans son lycée en lui enjoignant de la suivre car elle est en grand danger, elle le prend d’abord pour un dingue. Très vite pourtant, la menace se précise et Yôko est contrainte de s’enfuir avec l’inconnu et les curieux amis de celui-ci pour échapper à des monstres sanguinaires.

Dépassée par les événements, Yôko se retrouve bientôt seule dans un monde inconnu. Adieu le Japon, bienvenue dans le Royaume de Kô ! Quoique « bienvenue » ne soit qu’une façon de parler, car Yôko n’est pas la bienvenue du tout : dans ce monde, les étrangers rejetés par la mer sont considérés comme des démons. Pour survivre, Yôko doit se garder tant de la population locale que de démons qui l’attaquent à répétition, tout ça sans guère pouvoir dormir ni manger. La seule chose qui la porte, c’est l’espoir de retrouver Keiki pour qu’il l’aide à rentrer chez elle, au Japon !

Cette histoire nous permet de suivre une jeune héroïne propulsée de force dans un monde qu’elle ne comprend pas, qui plus est un monde particulièrement hostile. Si elle cherche à en savoir plus sur son nouvel environnement, si elle découvre peu à peu des us et coutumes différents de ceux de son Japon natal, elle doit surtout apprendre à se battre pour sa vie : il lui faut tuer des démons, trouver/voler de la nourriture et des vêtements… et surtout, perdre l’habitude de faire confiance, car ici tous ne demandent qu’à la trahir et à profiter d’elle. Sans personne à qui se fier, cela va être très dur pour la jeune fille. J’ai beaucoup apprécié ce voyage en compagnie de Yôko, que l’on voit lutter et évoluer. Par contre, il est dommage que les personnages secondaires soient aussi peu approfondis, faisant uniquement de la figuration.

La découverte des 12 Royaumes est également intéressante. Il s’agit d’un monde d’inspiration chinoise, technologiquement moins avancé que le nôtre (pas d’électricité ou de moyens de transport modernes, par exemple). C’est plutôt dépaysant, surtout pour nous autres Européens.
Notamment, l’accent est mis sur la langue. En chinois, la même syllabe parlée peut correspondre à plusieurs idéogrammes écrits. Par exemple, on écrit le nom du roi Kô différemment de celui de son royaume de Kô. Chaque fois qu’un nom propre est introduit dans le récit, quelqu'un demande comment cela s’écrit, on apprend ainsi quels idéogrammes doivent être utilisés et leur signification. J’ai d’abord trouvé cette préoccupation permanente des personnages assez déroutante, mais à la réflexion je suppose qu’il s’agit bel et bien d’une habitude assez légitime pour qui est confronté quotidiennement à cette difficulté !

La fin très abrupte laisse la plupart des questions sans réponse. En fait, on voit bien qu’il s’agit d’une coupure dans une histoire non achevée : normal, car le roman, qui fait deux tomes en version française, n’en faisait qu’un seul en version originale. Assurez-vous donc d’avoir le second volume sous la main avant de commencer, pour pouvoir enchaîner la lecture sans frustration. Pour ma part, j’ai pris grand plaisir à cette lecture et je me lance immédiatement dans le tome suivant !