Les Chroniques de l'Imaginaire

Nuigrave - Murail, Lorris

Dans cette Ile-de-France d'un temps pas trop éloigné du nôtre, le tabac, classé au rang des drogues dures, est rigoureusement interdit. Or, Arthur Blond, ayant peur de l'avion, a un patch de nicotine collé sur la fesse, ce qui lui interdit de prendre le vol prévu pour l'Egypte, où il devait constater les dégâts subis par l'obélisque rendu au peuple égyptien, et immédiatement brisé. Au lieu de cela, il a droit aux tracasseries policières, et il lui est interdit de quitter le territoire, du fait qu'il est de surcroît soupçonné de meurtre.

La pensant en danger, il essaie de retrouver son ancienne compagne, Sidonie, avec qui il vivait quand elle a découvert en Amazonie une plante, la coarcine, qui semble avoir la particularité, entre autres, de ralentir le temps. Ils se reverront, mais Sidonie sera assassinée sous ses yeux. Se sentant menacé, il disparaît, avec les deux dernières coarcines qu'elle lui a laissées, dans cette zone de non-droit qu'est le Petit Kossovo.

Le décor science-fictif n'est guère qu'un décor, même si les dérives sociales et géopolitiques décrites sont vraisemblables. L'aspect thriller-roman d'espionnage n'est pas beaucoup plus intéressant. Le roman vaut surtout pour sa réflexion non seulement sur les dérives de ceux qui exercent un pouvoir absolu, mais aussi sur la perception du temps, sur le mirage des origines, sur l'illusion qui consiste à croire qu'une oeuvre déracinée peut être rendue sans dommages pour personne, et sans qu'elle ait changé. Les personnages sont des paumés sans grande envergure, parmi lesquels se détache plaisamment la figure de Melchior.

En somme, une lecture plaisante, non sans originalité, mais qui m'a semblé manquer d'unité, comme s'il souffrait d'un trop grand nombre d'idées intéressantes entre lesquelles l'auteur n'a pas su choisir et qui ne se marient pas si bien que ça. En tout cas, pour moi, le cocktail n'a pas pris complètement.