Le baron Bonaiuti di Roccapendente a invité en même temps M. Ciceri, un photographe qui doit "immortaliser" la famille, et Pellegrino Artusi, un commerçant avisé devenu célèbre pour avoir publié un livre de cuisine. Dès son arrivée, ce dernier est immédiatement soupçonné des pires méfaits par les deux fils du baron, Gaddo, l'aîné, qui ne supporte pas les lectures plébéiennes de l'invité (un roman policier, je vous demande un peu !), et Lapo, le cadet, persuadé qu'il s'agit en fait d'un usurier, doublé d'un "perverti" (franchement, quel homme digne de ce nom s'intéresserait à la cuisine assez pour la pratiquer soi-même ?!). Pour deux des demoiselles de la maison, en revanche, sa présence est bienvenue : Cosima Bonaiuti Ferro, une cousine célibataire du baron, est convaincue qu'il est en fait venu pour l'épouser, et Cecilia, la fille du baron, est ravie qu'il lui soit permis - quoique femme - d'avoir une conversation intelligente.
Quant au délégué Artistico, appelé au château suite à la mort suspecte du majordome, Teodoro Banti, il appréciera le bon sens et les qualités d'observation de Pellegrino Artusi, qui lui donnera, et plutôt deux fois qu'une, des indications capitales pour son enquête.
L'action se déroule en 1895, dans une Italie à peine unifiée, où les tenants de l'unification sont encore en butte aux critiques des opposants. On peut penser dans ce contexte, par exemple, au Guépard, de G. Tomasi di Lampedusa, qui traite du même thème, dans une région totalement différente, toutefois. En effet, ici il s'agit de la Toscane, et d'une intrigue policière.
Les personnages sont à la fois grotesques, caricaturaux, et finement traités, depuis l'autocratique aïeule jusqu'au répugnant Ciceri. Le "duo" improbable des enquêteurs réunis par le hasard fonctionne bien, et le personnage (historique !) de Pellegrino Artusi est tout à fait sympathique. L'auteur a enfin eu la bonne idée de préciser en postface quels personnages étaient réels ou pas, et les raisons de ses choix spatio-temporels. En fin d'ouvrage, on trouve également d'appétissantes recettes tirées du livre (historique, lui aussi) de Pellegrino Artusi.
En somme, une histoire légère et savoureuse comme un soufflé, divertissante, à lire sans modération.