Marc Schlosser se considère comme un excellent médecin généraliste. Il consacre vingt minutes à chacun de ses patients, écoute presque tout ce qu'ils ont à lui dire et ne rechigne pas, de temps à temps, à leur faire un examen plus approfondi. Sa clientèle est réputée : musiciens, acteurs, écrivains, avocats, juges... Bref, les affaires sont florissantes. Alors quand le conseil de l'ordre le convoque pour discuter du décès de Ralph Meier, un célébrissime acteur de sa clientèle - et accessoirement, un de ses amis -, Marc ne s'inquiète pas outre mesure. Sa réputation n'est plus à faire, il connaît presque tous les membres du conseil... Au pire, il écopera d'un petit avertissement.
Mais la veuve de Ralph Meier a un avis différent sur la question, et elle entend bien le faire savoir. Ralph est tombé malade quelques semaines après des vacances passées avec la famille Schlosser. De plus, des prélèvements soit-disant envoyés par Marc auraient été perdus avant de parvenir au laboratoire... Mais pourquoi Marc Schlosser aurait-il voulu du mal à Ralph, puisqu'il bénéficiait de son amitié et de ses largesses ? Quel intérêt aurait-il à le voir mort ?
Pour comprendre la vérité sur la mort de Ralph Meier, il va falloir remonter quelques mois auparavant et découvrir ce qui s'est passé pendant ces vacances, dans cette fameuse villa avec piscine.
Villa avec piscine est une lecture éprouvante, avec des personnages principaux et secondaires très déroutants. Le narrateur est antipathique dès les premières lignes. Son cynisme et son arrogance affichées rendent l'identification difficile. Cette impression s'adoucit au fil des pages : les épreuves qu'il va vivre avec sa famille le rendent plus humain même si je n'ai pas mieux compris ses réactions. Autour de lui gravitent d'autres protagonistes - ses patients, sa femme, ses filles - tous aussi égoïstes, dérangeants, chacun dans son genre. La vision du monde qu'expose ainsi Herman Koch, cynique et désabusée, m'a rendu la lecture difficile.
Qu'on ne s'y méprenne pas, cet avis n'est pas un jugement négatif. Bien au contraire. On retrouve dans Villa avec piscine la construction virtuose et l'atmosphère tendue qui ont fait le succès de son roman précédent, Le dîner. Dans le monde d'Herman Koch, une façade idyllique cache toujours des secrets, du cynisme, de l'amertume et un désespoir si profond que les personnages peuvent perdre toute humanité. Son écriture est à la mesure de son propos. Froides, précises, tranchantes, les phrases de l'auteur entrent dans le cerveau du lecteur avec la facilité d'un coup de scalpel, et impriment la même douleur.
J'ai beaucoup apprécié ce livre, mais son sujet perturbant et ses personnages glaçants m'ont donné envie de lire ensuite quelque chose de plus léger pour faire passer la pilule. Je recommande néanmoins ce roman et cet auteur pour ses qualités narratives et ses intrigues marquantes.