Mais qu'a-t-il donc bien pu passer dans l'esprit de ses parents... L'appeler Gertrude tout de même. C'est décidé, elle sera Cunégonde. A nouvelle vie, nouveau nom ! Depuis son arrivée sur l'île de la Réunion, les choses se passent plutôt bien. Oh, pas qu'elle ait fait des rencontres ou se soit liée avec d'autres personnes, mais elle n'en a pas vraiment envie non plus au fond. Elle vivotte, avec son travail de comptable de supermarché, toute vêtue de gris-souris, la couleur de sa vie. Et puis parfois, la vie sourit, et insuffle ses messages d'une manière surprenante. Elle va croiser la route de Dégage tout d'abord, le chien errant débordant d'amour. Et puis ce sera François, le patron... Ou François, la renaissance.
Rose-thé et gris-souris est finalement l'histoire d'un amour simple, aussi évident que l'eau qui coule ou l'air que l'on respire. Le récit est à l'image de sa trame : léger, simple, efficace, presque inéluctable.
Gertrude/Cunégonde, profondément blessée par l'existence, en change finalement de vie et repart sur les bases de la résignation. La leçon, c'est finalement Dégage, le chien errant, qui va la lui donner. Une capacité à aimer infinie, et une foi en l'autre quasi infaillible. C'est lui qui lui réapprendra l'amour et lui permettra de s'ouvrir aux autres.
Et tout cela se déroule comme si de rien n'était. Le mal-être et la blessure de Gertrude ne sont soufflés qu'à toutes petites doses, avec beaucoup de finesse. Sa blessure est évoquée avec pudeur. Dégage, c'est le chien que l'on voudrait tous avoir inconciemment, le toutou à la fidélité inébranlable et avec une capacité d'amour que même les pires traumatismes n'entameront pas. François est un peu plus anecdotique. Il est la conséquence de cette renaissance, l'outil du possible bonheur. Lui, c'est le lendemain du gris-souris. Son personnage n'est pas vraiment approfondi, et à part eux trois, les autres n'ont pas de réelle importance. Par contre, Gertrude et Dégage sont parfaits. Ils sont justes et attachants. Ils ont une humanité voilée, mais manifestement profondément ancrée en eux.
L'histoire est toute simple, le déroulement évident, pas de rebondissements, pas de surprises. Au fond, elle n'en a pas besoin. La leçon de vie est sobre, et c'est certainement ainsi qu'elle s'exprime le mieux. Les mots choisis impriment parfaitement l'ambiance qui règne sur l'île de la Réunion, et certaines paroles chantantes, certaines expressions disséminées par petites touches tout au long de l'ouvrage complètent le tableau.
Un joli moment de tendresse, à s'offrir en quatre heures !