Jack Vance, auteur de La Terre mourante chroniqué sur ce site par ma collègue Soleil a rassemblé divers auteurs afin d'écrire un complément à son roman culte. Hélas les aléas de la vie font que les grands auteurs meurent aussi et malheureusement ce fut son tour il y a quelques semaines de cela. Il ne verra pas la beauté de ce recueil, il ne verra pas ce merveilleux hommage que les plus grands noms de la SF et de la Fantasy ont fait ici.
Le premier récit est une nouvelle de Robert Silverberg, illustre auteur de SF dont je n'ai lu que Les Monades Urbaines.
Un poète sujet à la mélancolie profonde ne peut que constater la mort prochaine du Soleil. Bien que son art soit loué partout dans le royaume, il assiste passivement à la fin de son monde avec un brin de désuétude et n'a que faire du bien qu'on pense de son art. Il en vient même à préférer la compagnie du vin à celle de ses contemporains.
J'ai beaucoup aimé cette nouvelle que j'ai trouvé fort intéressante dans la mesure où elle propose un parallèle intelligemment écrit sur les effets du temps qui passe. Un temps qui est à la fois destructeur, qui affaiblit son soleil et le fait mourir à petit feu et un temps qui fait vieillir l'auteur et le poète mais aussi un temps qui apporte du bonheur et qui rend meilleur le vin. C'est une belle ode au temps présent et sur le fait de savoir profiter de celui-ci tout en se protégeant des rabats joies et des profiteurs. La petite dose d'humour un peu noir n'est pas sans rappeler l'écriture de Jack Vance.
La porte Copse de Terry Dowling est le seul bémol à ce recueil. J'ai dû la relire deux fois tant la première lecture m'avait laissé un goût d'inachevé. Et à la deuxième lecture, ce petit goût était toujours là.
Un concours de magicien est organisé et Amberlin, un ancien très grand magicien ayant perdu beaucoup de sa superbe, y est convié. Ce qui au départ s'avère être un sujet de moquerie de la part des autres magiciens va petit à petit se révéler être un adversaire méritant.
J'ai bien vu les messages, notamment celui qu'un grand Homme restera toujours un grand Homme grâce à la modestie, ou qu'il ne faut jamais perdre son âme d'enfant. Cependant autant le début et le milieu sont prenants, c'est facile à lire, le style est agréable, autant la fin du récit ressemble à un soufflé raté. Le charme retombe assez vite et la fin devient plate. Je n'ai pas trouvé que cette histoire pouvait s'inscrire dans l'oeuvre de Vance.
Et comment résumer la nouvelle de Glen Cook sans trop en dire.
Alfaro Morag est chargé d'une quête pour retrouver Te Radje, le grand et puissant magicien, capable d'altérer la réalité à son bon gré. Te Radje est en fait un vieux magicien qui n'aspire qu'à trouver son successeur pour être le Bon Magicien. Les apparences ne sont peut être pas la réalité.
Le thème abordé ici est un peu similaire à la nouvelle précédente, dans le sens où les apparences sont trompeuses et où la valeur d'un homme ne se base pas sur ce qu'il paraît être mais sur ce qu'il est. La différence majeure tient dans la qualité d'écriture de l'auteur. J'ai vraiment retrouvé l'esprit de La Terre mourante dans cette nouvelle à un tel point que je me suis longtemps demandé si elle n'avait pas été écrite à quatre mains. C'est un récit très dense où plusieurs magiciens sont présentés. Chacun avec un rôle bien précis qui va servir l'histoire avec brio. C'est ma nouvelle préférée.
L'université de Maugie de Byron Tetrick : Dringo parcourt la Terre Mourante afin de retrouver son père. En chemin, à l'orée d'un village, le mage Gasterlo apparaît à ses côtés et propose de finir le chemin jusqu'au village ensemble. Gasterlo amène Dringo dans une auberge où d'autres mages l'attendaient. De par la sympathie de Dringo, les autres mages décident de l'emmener dans l'université de Maugie où il va pouvoir suivre les cours d'un Mage très puissant. Les cours lui apprendront beaucoup sur ses capacités et aussi sur son père un certain Cugel l'astucieux.
Voilà encore une fois une nouvelle extrêmement plaisante. Ce récit tranche avec les autres nouvelles un peu mélancoliques. Ici on sent la joie de vivre et le plaisir de la camaraderie. Mais c'est surtout une nouvelle bien plus profonde qu'il n'y paraît avec un vrai questionnement qui donne matière à réfléchir, sur ce qui définit un Homme et sur les conséquences de l'absence du père. C'est une histoire pleine de grâce, de poésie et d'humour.
Abrizonde de Walter Jon William : dans cette histoire on suit le voyage initiatique d'un architecte qui doit passer par les Gorges d'Abrizonde. Il se trouve alors au milieu d'une guerre entre le Prostateur d'Abrizonde et les dignitaires de Pex et de Calabrande.
C'est une nouvelle qui se rapproche du côté SF de Vance et je dois avouer avoir été plus quagréablement surpris par celle-ci. On y retrouve de la technologie que l'on qualifie de steampunk de nos jours, des gadgets très modernes avec un look un peu vieillot. Et j'aime beaucoup le style de cet auteur que je ne connais pas et que j'ai hâte de découvrir sur un roman en entier. L'histoire en elle-même est pleine d'humour et d'intelligence et les qualités du héros trouvent un sort plus qu'utile.
Une nuit au chalet de George R.R. Martin : au milieu du Pays du Mur Tombant, Molloques le Mélancolique s'apprête à faire une halte dans l'auberge du Chalet du Lac. Au cur d'un paysage aussi fantomatique que lugubre, Molloques va s'apercevoir que les apparences sont parfois trompeuses.
Martin nous offre ici une nouvelle aussi triste que palpitante. Le style de l'auteur est bien présent et cela donne une tournure très sombre et triste à cette nouvelle. On y sent le désenchantement et le pessimisme qui va dans le sens inverse de ce recueil de nouvelles mais par je ne sais quel hasard apporte une touche un peu plus adulte à l'ensemble de ce tome. De par sa différence, cette nouvelle nous offre un important message écologiste, on peut y lire en filigrane un plaidoyer pour ne plus abuser des ressources naturelles sous peine de se retrouver comme ces pauvres mages. J'ai été bluffé par l'intelligence de cette nouvelle.
Et que dire de la dernière nouvelle de Jeff VanderMeer, qui signe une nouvelle qui conclue plus qu'admirablement ce recueil. C'est une belle histoire pleine d'idées et d'intelligence.
Je ne vais pas m'étendre plus. J'ai plus qu'aimé ce livre et je suis très heureux que ce soit le tome 1 car cela est synonyme de suite prochaine.
Au delà de l'hommage fait à ce grand auteur parti trop tôt, ce recueil est probablement ce que j'ai lu de meilleur depuis dix ans. Le fan de Vance que je suis ne pouvait espérer un meilleur hommage.