Leonardo Oyola nous embarque pour un road movie sanglant en Argentine, dans la zone de la triple frontière, celle de lArgentine, du Brésil et du Paraguay. Il ne sagit pas à proprement parler dun polar, mais plutôt dun roman noir, vraiment très noir:
Pasteur Noé et Perro sont deux pirates de la route ultra violents, en particulier Pasteur Noé. Cest un drôle de pasteur en fait, il a jeté celui de la prison en bas du toit et a pris sa place après sêtre auto-proclamé. Dailleurs rien ne dit que sa victime était un ecclésiastique plus convenable que lui. Il parle sans cesse de Dieu et affirme quIl lui parle, ce qui ne lempêche pas dêtre un assassin sanguinaire, cruel et surtout complètement fou. Son complice et ami est Perro, un beau gosse surdoué dans la conduite. Ils kidnappent une jeune fille et sa domestique, le père paie la rançon rubis sur longle, mais tout dérape : Pasteur Noé décide de garder tout le butin pour lui et les deux otages meurent. Perro se lance à sa poursuite dans la pampa avant que son complice natteigne la triple frontière.
En fait lhistoire ne se déroule pas de manière si linéaire, la temporalité est complètement brouillée. Le personnage principal et narrateur est Perro et le récit fait des allers-retours incessants entre le présent et les flash-back dans lesquels il raconte son histoire. Le temps semble ramassé et on a limpression que tous les événements sont très proches, alors quon comprend à la fin quil sécoule plusieurs années depuis les scènes de violence vécues en prison et la chasse à lhomme entreprise par Perro. Le récit semble le plus souvent très embrouillé. Si Pasteur Noé nest pas bien sympathique, on comprend que ces hommes ont vécu dans le milieu de la délinquance depuis leur plus jeune âge et nont pas vraiment pu sen sortir. Toutefois Perro sait quil a eu sa chance avec Julia, quil a aimée et continue à aimer, mais il na pas eu le courage et la force de devenir un petit paysan pauvre, il a préféré ladrénaline et largent facile. Cest ce qui rend ce roman si noir, les personnages sont englués dans un destin dont ils ne peuvent sortir. Même sil est un assassin qui relève du grand banditisme, Perro reste un personnage finalement sympathique et attachant, il na pas perdu toute son humanité, contrairement au Pasteur Noé.
Au niveau du style, ce livre nest pas très agréable à lire, il est écrit dans une langue crue et argotique. Je me doute bien que des voyous ne parlent pas à limparfait du subjonctif, du moins pas ce style de voyous (on nest vraiment pas dans le monde huppé de la haute finance et des délits qui vont avec !), mais quand même, je napprécie pas du tout ce langage souvent très vulgaire. Les héros se réfèrent sans cesse à des chansons de Bon Jovi, de Guns N Rosies et dautres groupes de rock ou de hard rock et lauteur nous gratifie de larges extraits de ces chansons, qui sont souvent aussi peu raffinées que le reste du texte. Les autres références culturelles des personnages sont centrées sur des séries américaines anciennes et des dessins animés japonais. Dailleurs Noé dans sa folie confond les paroles de Dieu et celles des chansons. Rien de tout cela ne fait partie de mon univers culturel et javoue que je naurais pas dépassé dix pages de ce livre si je ny avais pas été obligée.
Au final, jai apprécié le personnage de Perro, dont lhumanité émerge peu à peu dans ce déluge de violence, mais la langue du texte est pour moi un défaut rédhibitoire, même si je comprends sans peine lintention de lauteur. Je ne suis pas sûre néanmoins quil soit indispensable dêtre si vulgaire pour évoquer le monde de la délinquance.