Joyce Carol Oates est une des romancières américaines les plus prolifiques - et les plus talentueuses - de sa génération. Depuis la publication de son premier recueil de nouvelles - By the North Gate - en 1963, elle a écrit (parfois sous pseudonyme) près d'une centaine de romans, de nouvelles, d'essais, de poésies et de pièces de théâtre. Elle est également professeur de littérature et d'écriture à l'université de Princeton et a codirigé l'Ontario Review (une revue publiant de courts textes d'auteurs américains et canadiens dont, pour n'en citer qu'un seul, Philip Roth) avec son époux Raymond Smith jusqu'au décès de ce dernier en février 2008.
Parmi ses uvres les plus plébiscitées, on retiendra Les chutes (prix Femina 2005), Blonde (roman sur la vie de Marilyn Monroe), Confessions d'un gang de filles (adapté au cinéma par Laurent Canté en 2012), ou encore Petite sur, mon amour (roman s'inspirant d'un fait divers, la mort d'une mini-miss de beauté à son domicile pendant la période de Noël).
Joyce Carol Oates porte sur son pays un regard à la fois compatissant et sans concession. Son uvre, empreinte d'une grande humanité et d'une rare finesse d'analyse, force l'admiration et le respect.
A trente-quatre ans - dix ans après la parution de son premier ouvrage -, Joyce Carol Oates entreprend la rédaction d'un journal. Plus littéraire qu'intime - même si, chez la romancière, l'essentiel des pensées et du quotidien tourne autour de la littérature et de l'écriture -, ce journal explore les vicissitudes de la création. L'auteur y expose l'avancement de luvre - ou des uvres - en cours, ses difficultés, ses réflexions... Elle parle également de ses lectures, de son travail à l'université, et de ses relations souvent harmonieuses avec ses collègues professeurs et écrivains.
De sa vie privée, on ne perçoit que quelques bribes. On sent la grande importance que Joyce Carol Oates accorde à son foyer, à son mari, tous deux semblant l'aider à trouver l'équilibre nécessaire pour créer. On trouve dans ce Journal la même discrétion, la même pudeur que dans J'ai réussi à rester en vie, un récit pourtant intime et personnel de l'auteur sur son veuvage.
Ce qui m'a frappée dans ce Journal, c'est le décalage entre la noirceur et le sérieux de luvre de Joyce Carol Oates et ce qu'on perçoit ici de sa personnalité. Ouverte, compatissante, sociable, sa vie semble assez éloignée des sujets durs et torturés qu'elle choisit pour sa fiction.
Courant sur une dizaine d'années - 1973-1982 -, ce Journal sera plus aisément compris et apprécié par les lecteurs familiers de la production de Joyce Carol Oates à cette époque. Moi qui ait surtout suivi son uvre à partir des années 2000, j'ai parfois été frustrée de ne pas retrouver dans l'ouvrage une bibliographie de ses écrits de l'époque.
C'est bien la seule réserve que l'on peut émettre sur cet ouvrage passionnant et instructif qui nous fait découvrir une facette inconnue de l'un des plus grands auteurs américains contemporains.