Angleterre, dix-huitième siècle. Depuis son plus jeune âge, Tristan Hart est fasciné par la douleur. Celle que l'on subit, mais aussi et surtout celle que l'on inflige. A vingt ans, il quitte sa campagne et sa famille pour suivre à Londres des études de médecine. La capitale va lui apporter divers enseignements : à l'université, il apprend à soulager la douleur des malades ; au bordel, il approfondit ses connaissances concernant la torture et le maniement du fouet...
L'équilibre mental de Tristan est très fragile. La culpabilité qu'il ressent quand il cède à ses pulsions masochistes est si grande qu'elle atténue la satisfaction causée par l'avancée de ses études et de ses recherches. Le décalage entre ses deux aspirations est si profond que Tristan est sujet à de fréquentes crises de violence qui mettent en péril ses études.
Deux rencontres primordiales vont bouleverser son existence. Un soir, Tristan moleste une jeune femme qui se rebelle et se transforme sous ses yeux en une chouette blanche. Le jeune homme en gardera une superstition qui confine à la terreur.
Puis il fait la connaissance de Katherine Montague et trouve en sa personne un adversaire à sa mesure... Enfin. Katherine ne craint pas la douleur ; elle la recherche même, et sa grande force de caractère empêche tout dérapage. Tristan tombe désespérément amoureux d'elle et projette de l'épouser contre l'approbation de sa famille.
Misericordia est un premier roman surprenant. Bien que centrée sur un seul personnage, l'intrigue est foisonnante et offre un mélange des genres inattendu et réussi. Thriller psychologique, roman historique, roman fantastique, légendes, féerie, chirurgie, philosophie, érotisme... Ces thèmes et genres se mélangent sous la plume élégante et imaginative de Jack Wolf.
On ne peut qu'être impressionné par l'imposante culture générale de l'auteur qui transparaît à chacune de ces pages. Il semble maîtriser tous les thèmes précédemment cités sur le bout des doigts. Le roman n'est pas pour autant indigeste, bien au contraire.
On prend un réel plaisir à suivre le chemin de vie de Tristan et d'une poignée de personnages secondaires tout aussi mystérieux et charismatiques. Jack Wolf excelle par ailleurs à camper une ambiance très personnelle, dérangeante, anxiogène, qui donne à son premier roman une grande originalité.
L'avancée de l'intrigue se fait de manière assez atypique : parfois l'action est trépidante, offrant au lecteur des rebondissements importants, des révélations, de grosses accélérations de rythme. Puis le temps semble s'étirer, tout se ralentit, et on passe plusieurs chapitres à décortiquer les états d'âme de Tristan sans que rien d'autre ne se passe. Ce rythme déroutant participe au charme du roman.
J'ai été bluffée par ce roman anticonformiste tant dans la forme - à la manière des écrivains anglais du dix-huitième siècle, l'auteur met des majuscules à tous les mots dont il veut souligner l'importance - que dans le fond. Un roman historique mettant en scène un aspirant chirurgien adepte des pratiques sado-masochistes, avec en toile de fond des créatures féeriques plus ou moins malfaisantes, il fallait oser ! Le résultat est très réussi.
Intrigant, cohérent, addictif, Misericordia vaut vraiment le détour !
