Les Chroniques de l'Imaginaire

Orgueil et préjugés suivi de Amour et amitié - Austen, Jane

Ce joli petit coffret contient deux romans de Jane Austen, le plus connu d'entre eux, Orgueil et préjugés, et une nouvelle, datant de la jeunesse de l'auteur, Amour et amitié, tous deux présentés, analysés et traduits par Pierre Goubert, professeur émérite à l'Université de Rouen.

Amour et Amitié est un petit texte écrit par Jane Austen alors qu'elle n'avait que quinze ans. Elle s'y amuse à parodier tous les courants littéraires de l'époque, la forme épistolaire, l'abus des descriptions de voyages, les invraisemblances, les coïncidences absolument pas crédibles, bref tous les petits travers des écrivains contemporains de la jeune fille.

Il faut donc bien lire ce texte en ayant à l'esprit que ce n'est qu'une parodie, une farce. Et c'est une jolie réussite. On retrouve l'écriture habituelle de la jeune femme, toujours aussi agréable, dans le plus pur style de son siècle.

Comme à son habitude, il y a beaucoup d'humour dans ce texte, et on sent bien que Jane Austen ne se prenait pas au sérieux lorsqu'elle a écrit l'histoire de ces deux jeunes femmes à qui tant de malheurs arrivent.

Les invraisemblances sont si exagérées que cela en devient drôle et c'était le but recherché. De même, lorsque la jeune femme qui raconte son histoire explique qu'elle et son amie volaient de l'argent à leur hôte, mais qu'elle ne comprenait pas ensuite qu'il les a mises dehors lorsqu'il les a prises en flagrant délit, tout cela avec le phrasé guindé, poli et ampoulé cher à l'auteure, on ne peut s'empêcher de sourire et de s'amuser.

On ne peut qu'admirer la qualité d'écriture chez une jeune fille de quinze ans, capable de parodier de façon aussi réussie ses congénères.

La présentation faite par Pierre Goubert est très intéressante et fourmille de détails. Les notes disséminées au cours du petit roman apportent également beaucoup de saveur au texte car elles permettent de mieux appréhender le contexte de l'époque. Il est juste dommage qu'elles soient réunies en fin de texte, et non en bas de page, ce qui oblige à chaque fois d'interrompre le fil de la lecture.

Orgueil et Préjugés :
C'est toujours un bonheur pour moi que de me replonger dans les tourments amoureux des filles Bennet causés par le ténébreux Darcy et les autres membres de la gent masculine de cette Angleterre du XVIIIe siècle.

On suit avec délices le quotidien de la famille d'Elizabeth, les dîners dans les familles du monde, les rencontres avec les jeunes gens de la bonne société, ainsi qu'avec les militaires basés à Meryton.
Les Bennet vont faire la connaissance de leur nouveau voisin, Mr Bingley, et de son meilleur ami, Mr Darcy. La présence de deux hommes fortunés et célibataires va mettre en émoi tout le comté.
Des affinités vont se nouer tandis que rapidement, Mr Darcy va, à l'inverse de son ami, déplaire à tout le monde, par son comportement et son attitude hautaine.

Tout cela est raconté avec beaucoup de finesse, une très belle écriture, très agréable à lire. Les sentiments des personnages sont décortiqués à souhait, les personnages sont savoureux, surtout ceux dont l'auteur veut faire apparaître la bêtise. Elle sait parfaitement les rendre à la fois bêtes et attachants, comme la mère d'Elizabeth par exemple, ou Mr Collins, le cousin si obséquieux et repoussant.

L'orgueil est représenté en la personne du ténébreux Mr Darcy. Les préjugés, eux, foisonnent. Préjugés envers les classes sociales plus basses, envers les belles figures, envers les femmes, etc.

Jane Austen analyse tout ceci avec bonheur et donne une vision très nette de la bonne société de l'époque, avec ses codes, ses mœurs, ses interdits, ses coutumes.
Là encore, l'introduction et la présentation faites par Pierre Goubert sont très agréables à lire et apportent un éclairage supplémentaire sur l'oeuvre de Jane Austen. Je ne savais pas, par exemple, que ce roman n'aurait pas dû avoir ce titre et j'ai aimé apprendre pourquoi Jane Austen l'a modifié, et pourquoi elle a choisi celui-là. Même remarque pour les notes au cours du roman qui permettent de préciser un fait, d'expliquer un contexte, les coutumes et traditions de cette époque, comme par exemple pourquoi les femmes attachent tant d'importance au nombre de danses qu'un jeune homme va leur accorder.

J'ai toutefois été surprise par le parti pris du traducteur de ne pas utiliser les traditionnels Mrs et Miss, mais de les franciser en Mme et Melle. Lorsqu'on est habituée à lire des romans de Jane Austen, Elizabeth Gaskell et autres auteurs de cette époque où on utilise toujours les formes anglaises, cela peut surprendre et ôter un petit peu de cette saveur "so bristish" que, personnellement, j'adore dans ce genre de littérature. Dommage !

Je suis fan depuis longtemps de Jane Austen, et je relis toujours ses romans avec délice. Découvrir ce petit texte de sa jeunesse m'a donné envie de connaitre les autres, dont parle Mr Goubert.