Les Chroniques de l'Imaginaire

Le veilleur des morts (L'épée des ombres - 4) - Jones, J.V.

Raif Ruptur, le Veilleur des morts, a réussi à retrouver l’épée Perte. Cette arme redoutable lui permettra de lutter plus efficacement contre les Éteints qui s’échappent de plus en plus nombreux de la Faille. Mais pour cela, il lui faut retourner auprès des Mutilés, en traversant des territoires où il n’est pas le bienvenu. En particulier, les Sulls s’inquiètent de sa présence, car malgré l’aide qu’il peut apporter contre les Seigneurs de la Fin, il est dit qu’il causera la fin de leur peuple.
De son côté, Ash de la Marche s’enfonce toujours plus profondément dans le territoire de son peuple d’adoption, en direction des Feux du Cœur des Sulls. De même que pour Raif, l’attitude des Sulls à son égard est ambivalente : maîtrisés, ses pouvoirs de Clef peuvent contrer les Éteints ; hors de contrôle, ils la rendent terriblement dangereuse.

Parmi les clans, la menace qui croît passe quasiment inaperçue, noyée par les querelles intestines. La guerre fait rage, alimentée notamment par l’ambition de Robbie Dun Dhoone et Masse Grêlenoire. Seul Vaylo Bludd commence à prendre conscience du danger, mais que peut-il faire alors que son fils a usurpé sa place de chef et qu’il ne lui reste plus qu’une poignée de fidèles pour reprendre sa Maison Ronde ?

Ainsi, même si le péril augmente, ce n’est pas le cas pour la tension dans le récit. Au contraire, on a presque l’impression que chacun prend le temps de vaquer à ses affaires sans se presser et que l’intrigue n’avance guère… Il faut dire qu’on suit en parallèle nombre de personnages, ce qui ralentit d’autant l’avancée de l’histoire. Si certains sont pleinement impliqués dans la lutte contre les Seigneurs de la Fin (Raif, Ash, les Sulls, mais aussi la petite Effie par exemple), d’autres poursuivent leurs propres buts sans rapport apparent avec tout ça (comme Marafice l’Œil, qui essaie de consolider sa nouvelle position de haut-seigneur de la Tour-Vanis, ou Angus Lok, obnubilé par la vengeance).
Au fil des livres, l’importance des personnages croît et décroît : Par exemple, Raina Grêlenoire a enfin décidé d’agir au lieu de subir, soutenue de manière discrète mais efficace, ce qui va encore modifier l’équilibre des clans. Bram Cormac, apprenti Phage, découvre avec effarement comment la confrérie de la Longue Veille manipule les événements à grande échelle, avec des procédés souvent peu glorieux. A l’inverse, les personnages de Baralis et son serviteur Craupe sont totalement absents de ce volume. Pour le lecteur, c’est un vrai plaisir de voir tous ces personnages changer et évoluer sous la pression des événements, acquérant de plus en plus de profondeur. Personne n’est tout noir ou tout blanc, des personnages plutôt antipathiques au début du cycle apparaissent désormais sous un jour plus favorable, ou inversement.

Cette richesse des personnages et du monde créé permet de vraiment s’immerger dans le récit. Le style est prenant, ce qui fait que malgré l’épaisseur de l’ouvrage il se lit d’une traite. C’est un cycle très réussi et intéressant, et je compte bien me procurer la suite dès qu’elle sera disponible.

Pour finir, je voudrais souligner deux points non liés au récit en lui-même. Le premier est positif : comme les précédents, ce volume commence par un résumé de plusieurs pages couvrant les événements survenus précédemment. Vu la complexité de l’histoire et le temps passé entre la parution des différents tomes, ce résumé détaillé est vraiment bienvenu car il permet de ré-appréhender la situation dans son ensemble et donc de mieux profiter de l’histoire.
Le deuxième point est hélas plus négatif. Alors que la traduction est impeccable pour le texte (tout au moins pour ce que je peux en juger sans avoir la version originale sous la main), le même effort n’a pas été fait pour la quatrième de couverture. « Raif a subi de nombreux procès pour revendiquer la possession de l’épée qu’on appelle Perte ». Des procès, vraiment ? Voilà qui n’a aucun rapport avec l’histoire. « Raif has endured many trials… » aurait été plus avantageusement traduit par « Raif a enduré de nombreuses épreuves… », me semble-t-il ! Personnellement, je trouve assez gênant une présentation qui envoie le lecteur sur une mauvaise voie. Dommage.