Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 187)

Ce numéro est beaucoup plus orienté science-fiction que le précédent, ce qui se devine dès la fort belle couverture signée Xin Ran Liu.

Dans le volet Fictions, on trouve :

La plate-forme de Carl Rocheleau : Komen ? Nemok ? Lequel est le vrai ? Sont-ils vrais ? Faux ?
Sur les problèmes vertigineux liés au réalisme des mondes virtuels, il a déjà été écrit pas mal, c'est l'un des fondements mêmes du cyber-punk. L'idée n'est donc pas neuve, mais plutôt bien traitée. A noter une coquille amusante à la page 12 ("dans le coup (SIC !) de son amoureux")

Brouillard de Dave Côté : Entre SF et fantasy, une nouvelle parfaite de bout en bout, parfaitement évocatrice, dans une atmosphère qui évoque, par exemple, le contre-espionnage du temps de la guerre froide. Ou tout autre. Parfaite, je vous dis !

Trou noir de mémoire de Geneviève Blouin : C'est délicat de s'amputer soi-même d'une part de sa mémoire. Une part ?
Cette courte nouvelle glaçante est absolument excellente aussi, et le titre est juste idéal.

Aditus par Sébastien Chartrand : Que sont les orhas ? Quand on a dit des "organismes historiques en animation suspendue", on a décrit le phénomène, on n'a expliqué ni comment ni pourquoi des personnes se sont retrouvées écorchées et recouvertes de bronze, sans mourir. Ce mystère obsède Catherine.
Encore une nouvelle excellente, très originale, aux frontières de la fantasy, et qui semble évoquer, de très loin La nuit des temps.

Autre de John Mole : Homo sapiens n'est pas le seul habitant intelligent de la planète, quoi qu'il s'imagine. Il n'est guère qu'une approximation de l'homo sentiens.
L'idée de ce texte n'est pas tout à fait nouvelle non plus, non plus que la façon dont elle est traitée. Pour moi la nouvelle la moins intéressante de ce corpus.

Ô Laurentie de Jean-Pierre Laigle : Attention, il est à mon avis nécessaire d'avoir en tête les épisodes précédents (souvenez-vous de Mon journal durant la drôle de crise, dans Solaris 177 et Solaris 179) ! Celui-ci se déroule en Laurentie, après l'arrivée du narrateur dans ce pays tout neuf, que son allié le plus important, l'Iran, fait de son mieux pour détacher des USA. Mais les tensions s'accentuent partout dans le monde, et également entre la Laurentie et le Canada.
Un monde alternatif toujours aussi crédible, un style plein d'un humour discret, des personnages attachants, que demander de plus ? Une suite au plus tôt, d'autant que cet épisode se termine en un cruel suspens !

Solaris publie ici, sous le titre Sur le romanesque, le texte, transformé et amplifié pour la publication, d'une conférence donnée par l'écrivain John Crowley lors du Congrès Boréal 2012. Il y détaille les caractéristiques et le fonctionnement de l'écriture romanesque (par opposition à la littérature réaliste), quel que soit son genre. C'est bien fait, intelligent, intéressant, et touffu.

Dans ses Carnets du Futurible, Mario Tessier s'intéresse à La renaissance de Barsoom : il y explique l'origine de la planète imaginée par Edgar Rice Burroughs, depuis la découverte (il conviendrait de parler plutôt d'invention, d'ailleurs) de ses deux lunes par Kepler, jusqu'à l'erreur féconde des "canaux" commise par Schiaparelli, et promue par Percival Lowell, crue comme une vérité par tous les américains jusque dans les années 60. Loin de citer l'énorme bibliographie littéraire des oeuvres de Science-Fiction basées sur Mars, il se consacre à celles reprenant l'imaginaire de l'aventure épique du type planet-opera, descendant typiquement, en effet d'E. R. Burroughs.

Enfin, les rubriques critiques habituelles, de films ou de livres, sont à leur place habituelle, à la fin de la revue, et aussi intéressantes que d'habitude, on y trouvera notamment des critiques des dernières oeuvres publiées de deux des auteurs présents au volet Fictions de ce numéro de la revue : Sébastien Chartrand et Geneviève Blouin.