Les Chroniques de l'Imaginaire

Le voyage à la Mecque (Captain Sir Richard Francis Burton - 2) - Clot, Christian & Nikolavitch, Alex & Marty, Lionel

Nous sommes en 1864, dans l'Angleterre Victorienne, plus précisément à une garden-party de la Royal Society, l'équivalent de l'Académie des Sciences en France. L'ambiance est pour le moins tendue entre Richard Burton le célèbre explorateur, et John Speke, un ancien accompagnateur dans la quête vers la source du Nil. Speke a pu se mettre quelques scribouillards dans la poche, à commencer par un dénommé Oliphant, qui a tendance souvent à parler un peu vite. Ainsi, la confrontation d'idées et de points de vue est fortement attendue, mais elle n'aura pas lieu : on annonce que John Speke est décédé.

Alors, c'est vers un tout autre récit que s'achemine Burton. L'homme a réussi à faire ce qu'on appelle le hajj, c'est-à-dire le voyage saint que doit faire tout musulman qui en a les moyens vers la Mecque. Tout commence ainsi au Caire, en 1853, époque où un chrétien risque la mort s'il est pris à faire le hajj (position encore officielle de nos jours). Burton est un spécialiste des langues, des coutumes et des voyages. A cette époque, il est tout simplement méconnaissable en se faisant passer pour un vrai musulman afghan, ce qui peut expliquer ses quelques difficultés de compréhension de la langue.
Burton a avec lui des instruments de mesure : le but de son voyage n'est pas de critiquer le hajj ou la religion musulmane, mais de cartographier les lieux qu'il va traverser pour parvenir aux villes saintes de Médine et de La Mecque. Un risque supplémentaire en tout cas, même si l'explorateur anglais est allé jusqu'à se circoncire lui-même pour prévenir toute situation.

A cette époque, la route de la Mecque est particulièrement dangereuse. La situation géopolitique est en perpétuel mouvement dans la région, et seules les grandes caravanes de plusieurs milliers d'individus ont des chances de décourager les pilleurs qui sévissent dans ces déserts. Burton va ainsi pouvoir profiter de la caravane d'un sultan, qui possède de redoutables gardes. Le voyage n'est pas de tout repos, d'autant que Burton est démasqué par une des personnes qui l'a aidé jusque là. Il faut faire parfois des choses dont on n'est pas fier ensuite pour accomplir le mieux possible sa mission d'explorateur...

Nous en somme au second tome des explorations de Burton, qui paraissent dans la collection Explora de Glénat, une collection où on peut trouver d'autres explorateurs, comme Magellan, Tenzing ou Mary Kingsley, alors qu'un tome sur Marco Polo est sur le point de paraître. C'est ici à un personnage qui n'a pas sa langue dans sa poche que nous avons affaire. Et Richard Burton ne sait pas vraiment manier la langue de bois, malgré ses nombreux talents pour le nombre impressionnant de langues et dialectes qu'il maîtrisait !

Ainsi, Christian Clot et Alex Nikolavitch, tous deux au scénario, parviennent à rendre l'avatar de l'explorateur en bande dessinée parfaitement attachant. Cela démarre avec quelques escarmouches avec ses pairs, dans une Angleterre victorienne avide d'exploration et de récits d'aventures. Puis c'est un tout autre personnage que l'on découvre à travers le hajj : Burton est très différent, et en cela le dessin de Lionel Marty est bluffant !
On retrouve les traits hachés du dessinateur de Le rêve de Jérusalem, et on sent bien que l'homme est à l'aise avec cette histoire d'exploration. Ainsi, les personnages sont parfaitement réussis, et nous n'aurons aucun mal à les reconnaître (défaut qui était présent dans le récent Inca du même dessinateur). Les expressions sont soignées, et les décors de montagnes dans le désert sont très réussis. Mention spéciale pour la Mecque, de nuit, avec cette foule immense autour de la Kaaba.

Ce second tome, parfaitement intéressant en soi, offre également un dossier historique en fin d'album, qui donne des précisions historiques sur la Mecque, ainsi que sur le personnage principal de cette série. Une belle aventure en tout cas, durant la lecture de ce livre exploratoire !