En 1958, des gangsters braquent un convoi de fonds à Milan dans un quartier populaire. Le coup est effectué sans violence et selon un plan génial, il rapporte gros à ses auteurs. Les habitants de la via Ossopo profitent du spectacle, en particulier deux gamins, Antonio quatorze ans et le petit Roberto huit ans. Pour tous les deux ce jour est mémorable et ils se découvrent une vocation. Antonio décide dès lors de devenir policier, tandis que son jeune voisin choisit dêtre plus tard un brigand encore plus doué que ceux qui ont braqué le fourgon.
Antonio a tout observé et fait part de son témoignage au célèbre commissaire Nicolosi, sans savoir quil sera plus tard son mentor. Roberto célèbre le braquage en allant libérer les tigres dun cirque de passage dans le quartier, ce qui lui vaut de passer une nuit dans une maison de correction.
Nous suivons ensuite les deux destins parallèles de ces enfants jusquen 1972. Les deux nont pas le même poids dans le roman. Si lon suit de loin en loin la dérive criminelle de Roberto, le héros principal est bien Antonio Santi. Il devient policier contre lavis de ses parents, ouvriers, qui rêvaient de le voir médecin ou avocat. Il commence sa carrière sous la direction du commissaire Nicolosi et poursuit les braqueurs. Après le départ de son mentor, muté à Côme, Antonio connaîtra des années difficiles.
Roberto lui monte lentement mais sûrement les échelons de la pègre locale, apprenant de ses aînés lors de ses séjours en maison de correction ou en prison.
Lautre héroïne principale du livre est la ville de Milan et on profite plus du roman quand on a la chance de connaître ce lieu. On a plus le sentiment de lire un documentaire sur le Milan des années 1960 au sens large (de 1958 à 1972) quun polar. On suit lévolution sociologique de ses habitants, des jeunes en particulier. Il ne sagit pas dun portrait romantique et nostalgique de cette période, mais plutôt une vision très sombre. Le boum économique ne profite pas aux plus pauvres, les ouvriers ont des salaires de misère et la contestation étudiante sombre dans la violence gratuite. Une bombe éclate fin 1969, annonçant lère des brigades rouges, juste esquissée dans le livre. Seule la pègre semble prospérer. Antonio na rien dun super-héros et si son début de carrière est heureux et prometteur sous la tutelle de Nicolosi, la suite sera très difficile. Il grimpera les échelons mais sera vite désenchanté.
Jai relevé deux points négatifs de ce livre: Premièrement une certaine confusion concernant les diverses bandes de gangsters qui sévissent à Milan. Il y a une foule de mafiosi divers et en dehors de la bande de Roberto, on est vite embrouillé et on ne sait plus qui a fait quoi et quel bandit est poursuivi par les policiers. Deuxièmement, Roversi emploie parfois un ton trop lyrique pour évoquer Milan ou Giorgio Scerbanenco à qui il veut rendre hommage. Ces passages au ton dithyrambique sinsèrent mal dans le récit, même sils sont destinés à le rendre plus dramatique et sont ennuyeux, heureusement il y en a peu et ils ne sont pas très longs. Dans tous les cas ils napportent rien au livre.
On est loin de lambiance peace and love et ce portrait désenchanté dune jeunesse, et dune ville, qui ont perdu leurs illusions est très intéressant. Cela nous change de la vision romantique des années soixante, cest lautre face, son côté noir.