Les Chroniques de l'Imaginaire

La dernière conquête du major Pettigrew - Simonson, Helen

Le major Ernest Pettigrew vient d'apprendre la mort de son frère cadet. A sa tristesse se mêle une pensée moins louable : il va enfin récupérer le fusil jumeau de son précieux Churchill. Leur père avait divisé la paire entre ses deux fils avec la condition expresse de la recomposer à la mort du premier des deux frères afin qu'elle puisse, intacte, continuer à être transmise dans la famille. Ernest aimait sincèrement son frère mais n'a jamais compris que leur père leur ait légué un fusil à chacun alors qu'il est le seul à savoir entretenir convenablement et se servir d'une arme.
Le major en est là de ses pensées - ruminant devant sa boîte aux lettres vêtu d'une simple robe de chambre - lorsque Madame Ali, sa voisine, le surprend par une visite matinale. Consciente de sa tristesse et de son désarroi, elle lui offre une tasse de thé et une conversation qui vont faire à Ernest plus de bien qu'il ne pouvait l'imaginer.

Les semaines suivantes, Madame Ali continue à le régaler de sa présence discrète, bienveillante et bienfaisante. L’imperturbable major, veuf et fidèle à la mémoire de son épouse depuis plus de cinq ans, commence à s'interroger sur ce qu'il ressent face à cette femme d'un milieu social et d'une confession si éloignés des siens. Il n'est d'ailleurs pas le seul à se poser des questions : derrière les rideaux, sur les bancs de l'église ou au club de golf, les langues se délient et la bonne société d'Edgecombe St Mary commence à voir d'un mauvais œil ce rapprochement incongru...

Je me suis régalée à la lecture de ce premier roman. Helen Simonson a créé des personnages pleins d'épaisseur et de crédibilité évoluant dans une petite société propice à développer ce genre de micro-drames. Avec une ironie légère mais mordante, La dernière conquête du major Pettigrew combat les préjugés et remet les pendules à l'heure : ceux qui s'estiment les plus convenables, les mieux éduqués, sont souvent capables des pires incivilités et du plus grand irrespect face à des personnes qu'ils ne comprennent pas. Tout cela est amené avec beaucoup de finesse, une pointe de sarcasme et surtout un humour si piquant et raffiné qu'on dévore les chapitres pour arriver, à peine rassasié, à un dénouement aussi bien tourné que le reste du livre. On se croirait dans une version contemporaine d'un roman de Jane Austen !

J'espère qu'Helen Simonson nous réserve beaucoup d'autres romans dans cette même veine savoureuse et subtile, car La dernière conquête du major Pettigrew est vraiment une perle à découvrir !