Les Chroniques de l'Imaginaire

Le soupir de l'immortel - Buéno, Antoine

A quatre siècles d’ici, dans le futur. Après des années de travail acharné, Karl Carnap a quasiment atteint son but : la campagne pour le poste suprême de PDG de la fédération mondiale touche à sa fin, or le centriste a une longueur d’avance sur ses concurrents démocrate et républicain. Pourtant, en quelques jours à peine, le temps de quelques quintes de toux, tout va basculer.

Cette présentation un peu rapide est à l’image de l’intrigue, quasi inexistante et qui ne sert que de prétexte à une présentation d’un monde futur, à quelques siècles d’ici. Ce monde, vu de loin, est une utopie. L’humanité a atteint l’immortalité. La maladie et le chômage sont de l’histoire ancienne.
Comme on peut s’y attendre, il y a cependant un ver dans le fruit. Tout le monde n’est pas si satisfait que ça ! Le nombre d’enfants est strictement contrôlé afin d’éviter la surpopulation, seuls les riches et puissants peuvent encore espérer se voir confier des pupilles. Les humains las de leur existence immortelle n’ont pas le droit de mettre fin à leurs jours. Et les IA conscientes commencent à envisager une émancipation…

Il y a beaucoup d’idées dans ce roman, des aspects du futur qui paraissent vraiment lointain à quelqu'un de notre temps (reproduction exclusivement in vitro avec développement du fœtus autour d’un implant…) ou qui sont au contraire un prolongement plausible de notre présent (matraquage publicitaire, légalisation des stupéfiants…).

La plupart de ces idées ne sont pas novatrices, il s’agit d’un puzzle composé principalement de pièces éparses empruntées aux plus grands auteurs du genre. L’auteur a visiblement potassé tous les grands classiques de la SF, qu’il s’agisse de romans, de BD ou de films. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, faisant à ces œuvres de nombreuses références pour la plupart explicites. Et pour les rares lecteurs qui ne sauraient pas à quel univers sont empruntés les réplicants ou les homéoputes par exemple, un glossaire final permet d’éclairer leur lanterne. Cependant, le tout est bien agencé, formant un univers cohérent (ou presque : parce que Paris comme centre du monde, moi je n’y crois pas trop…).
Le manque d’originalité du cadre n’est pas forcément un frein à une bonne histoire, si l’intrigue est prenante. Hélas, un univers riche et réfléchi ne fait pas à lui seul un livre intéressant : pour moi, il manquait quelque chose – n’importe quoi – qui m’aurait évité de m’endormir sur ma lecture.

Parce que, non content de présenter des idées manquant souvent d’originalité, l’auteur s’étale, fait de longs développements. Le moindre fait divers, comme la visite d’une couveuse ou d’un musée, devient prétexte à un cours magistral sur l’économie, la politique ou encore l’art surmoderne. Ces longues descriptions, ces énumérations à rallonge, m’ont rendu le texte très pesant. J’attendais désespérément un peu d’action dans tout ce remplissage, mais je suis restée sur ma faim : même si ça se réveille un peu aux trois quarts du roman (soit quand même aux environs des cinq cent pages vu le pavé), il n’y avait pas de quoi tromper mon ennui. Le dénouement m’a d’ailleurs laissé une impression de « tout ça pour ça ? ».

J’ai également trouvé très lourde la sexualité omniprésente. Pardon, pas « sexualité » mais « spiritualité ». Au sixième siècle après Ford, les religions telles que nous les connaissons ne sont plus pratiquées que par les colons martiens et les IA ; sur Terre, les églises sont devenues des baisodromes, où l’on va « prier un coup » en jouant au mieux de ses doubles organes sexuels masculins/féminins ; quand on n’a pas de pénis surnuméraires ou autre modification du même acabit, bien sûr. Au point que les personnages publics sont jugés sur leurs capacités orgasmiques au moins autant que sur leurs compétences professionnelles !
Dès le début du roman, un chapitre entier est consacré aux différentes variantes de sexe auxquelles on peut s’adonner librement dans ce monde futur. Si je n’ai rien contre une scène érotique par-ci par-là, là, c’était trop pour moi : je comprends qu’il s’agit d’un des aspects majeurs du futur présenté, mais rencontrer le mot « vulve » à chaque coin de page reste trop grossier pour ma pruderie et a rendu ma lecture très désagréable. Le futur proposé est déjà écœurant en soi, pas besoin d’en rajouter !

Trop de longueurs, trop de sexe, un scénario trop léger, des pointes d’humour qui ne m’ont même pas tiré un sourire… vous l’avez déjà compris, je n’ai pas adhéré du tout à ce roman. Si ça avait été une lecture perso, je l’aurais très certainement abandonné en cours de route tant ma lecture a été laborieuse. Les amateurs de rap « antédiluvien » (comprenez : de notre époque), ou les fines bouches qui salivent à l’idée de porridge d’escargots ou de choux-fleurs sauce chocolat et câpres, y trouveront peut-être leur compte, mais ce n’est pas mon cas.