Les Chroniques de l'Imaginaire

Mortelle guérison - Rappeneau, Patricia

Troisième roman policier pour Patricia Rappeneau avec Mortelle Guérison.

Après deux Nathan Malocène, on découvre ici un nouveau personnage : Léopoldine Lagrange. Elle est anthropologue judiciaire et s’occupe de cadavres centenaires. Son dada du moment ? Le corps difficile à localiser d’une religieuse décédée en 1919. La grippe espagnole faisait alors des ravages et cette dernière n’avait pas été épargnée. Quand Léopoldine et son assistante retrouvent enfin le cercueil, il est vide. Enfin, pas complètement puisqu'un mot les attend. Un mot qui s’adresse directement à notre héroïne. Elle se lance alors sur les traces de ce mystérieux individu qui sème derrière lui de morbides indices : courrier menaçant, bouts de corps, corps vidés… Mais c’est sans penser que son parcours serait semé d’embûches, d’amours défuntes et de souvenirs douloureux.

Que dire de ce livre? Honnêtement je ne sais pas par où commencer… Prenons donc les points les uns après les autres.

Tout d’abord, on est surpris de se retrouver avec un roman de Patricia Rappeneau sans Nathan Malocène. Cependant, passée la première surprise, on est assez content de changer d’univers. On change aussi de mode d’expression et de forme de pensée. Car, comme dans ses précédentes créations, l’auteur continue de passer son texte au filtre d’un discours intériorisé. On vit les évènements au plus près du personnage. Comme posté dans sa tête, on comprend ce qu’il vit, et comment. Le discours est mieux travaillé que pour Mission Malocène, et l’intériorité reste un leitmotiv, sans pour autant prendre le pas sur la qualité du contenu.

En revanche, il reste dans ce texte des maladresses d’expression, régionalismes ou mauvais usages de certains termes spécifiques qui gênent la compréhension du lecteur.
“Traînant derrière elle dans les sales recoins de son histoire, l’existence immiscée de son copain d’escalade, le vétérinaire.” (p.128)

On met très longtemps à comprendre que les criminels recherchés par les forces de police sont en fait deux. Ils sont respectivement surnommés “Le tueur” et “Le corbeau”. Au moment où ces pseudonymes apparaissent dans le texte, on ne sait pas pourquoi les personnages sont ainsi appelés. J’ai cherché des éléments de réponses dans un dictionnaire pour y voir plus clair. Selon Le Trésor de la Langue française, un corbeau est soit un homme de race noire, soit une personne qui transportait les corps des pestiférés en période d’épidémie au XVème siècle, soit un employé des pompes funèbres. A mon sens, le criminel dont il est question dans Mortelle Guérison ne correspond à aucune de ces trois définitions. On se rappelle alors Le Corbeau de Henri-Georges Clouzot qui donna ensuite ses lettres de noblesse au corbeau menaçant des médias qui poste des insanités calomnieuses sur ses voisins. Mais notre malfaiteur laisse des petits cailloux, à la manière d’un petit Poucet, pas d’un médisant patenté. De multiples interprétations sont possibles, mais aucune n’est validée par l’auteur, et ça manque.

Bref, j’ai mieux aimé ce roman que le précédent, mais je reste en retrait de l’histoire sans jamais réellement réussir à percevoir la tension qui habite le personnage principal, ni sans vraiment comprendre les douleurs qui jalonnent sa vie. Globalement certaines phrases sont trop longues ou mal construites, et diluent l’intensité dramatique et le suspense.
“De retour devant mon ordinateur, je déployai la fenêtre sur le dossier nouvellement enregistré et avalai en préliminaire dans le procès-verbal des constatations, les premières informations récoltées par Dunion, le commandant de police qui, sous la directive du commissaire Dasseau, divisionnaire au 36 Dijonnais, s’était rendu à Semur sur la scène de crime.” (p.22)
Certes on peut m’opposer le côté informatif de cette phrase. Mais ce n’est pas le seul exemple.
“L’unique piste qui recoupait si bien en fait celle que le corbeau avait un jour balisée pour nous à partir des ossements du mulot exhumé de la tombe du corps de l’homme de la rivière, tous deux abandonnés dans la nature en référence aux expériences conjointement menées sur l’homme et sur l’animal, et en ouverture des réponses aux demandes en singes qui nous avait conduit (sic) au PADE, à son soigneur et à son vétérinaire, puis à Mylène, le brancardier à l’incroyable chevelure rousse et à l’étrange physique de femme qui subjectivement semblable à ma propre stupéfiante ressemblance avec Lise nous transportait à présent jusque dans l’épaisseur du trait de son histoire”. (p.156)
Loin de moi l’idée de spoiler le roman, je tenais juste à souligner que seul Proust peut se rendre maître d’une phrase-paragraphe de plus de dix lignes (dans la typographie de l’ouvrage, donc)...

En résumé, le roman de Patricia Rappeneau bien que polar m’aura laissée sur ma faim...